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Bibliothèque / World AIDS Conference 2018 - Amsterdam

Les chroniques indépendantes du COREVIH-Bretagne, avec de vrais morceaux d'argent public dedans !

Le ton a été donné peu avant la conférence par plusieurs communiqués de presse et par la publication des données épidémiologiques de l'ONUSIDA pour 2017 (en français, pour une fois !) : pas de triomphalisme cette année, le sentiment dominant à l'ouverture paraît plutôt être une forme de défaitisme, qui n'a pu qu'être renforcé par les déclarations de Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l'OMS lors de la toute première conférence de presse de l'AIDS2018 : nous n'atteindrons pas les objectifs 90-90-90 en 2020… L'impression globale est que l'on ne souhaite surtout pas trop faire l'apologie des projets qui fonctionnent, pour ne pas donner l'impression que la question du VIH-SIDA est réglée. Il est probable que l'on entende plus souvent parler pendant cette conférence des échecs de prévention et d'accès aux soins en Europe de l'Est et Asie centrale plutôt que des succès de l'Afrique Australe. La volonté de la conférence d'être "entendue" dans les pays de l'Est est d'ailleurs marquée par le fait symbolique que la seule traduction "live" disponible est en Russe… ce qui a fait râler les hispanophones…

En guise d'introduction à la conférence, il est important de lire le (très long) article du Lancet paru il y a quelques jours autour des enjeux de la lutte contre le VIH, signé par les membres de l'IAS. On peut également consulter les rapports de l'Onusida récemment mis en ligne (cf. ci-dessus)  et les données par pays (en anglais).

Le congrès mondial est bien sûr un moment de communications scientifiques de haut niveau : on attend notamment les résultats long terme des essais PARTNER (PARTNER2) et PREVENIR (IPERGAY), les premiers résultats de l'essai vaccinal APPROACH, des données du programme intégré prévention/traitement du Botswana, des données de l'essai SEARCH… Mais c'est surtout l'occasion de faire entendre la voix de la société civile, et les premiers slogans que l'on voit passer sont "Chase the Virus, not the people" (chasser le virus, pas les personnes), Nobody left Behind (ne laisser personne en chemin). Et une nouvelle catégorie de personnes vulnérable rejoint les populations clés  : les migrants… on en reparlera tout au long de ces 5 jours.

La soirée d'ouverture a été dominée par les petits-fils… (on se demande ce que sont devenus "les fils de"), puisque la soirée était animée par le petit-fils d'Omar Sharif (dont l'homosexualité affichée rend l'accès difficile à l'Egypte natale de ses parents) et c'est le petit fils d'Elisabeth Taylor, qui est venu rappeler le message de la fondation créée par sa grand-mère : la lutte contre le VIH est une lutte pour les droits humains.

Que retenir de la soirée d'ouverture ? En vrac : un engagement fort de la présidente sortante, Linda-Gail Bakker, qui aura beaucoup œuvré pour le renouveau de l'IAS, un beau discours de tolérance et d'ouverture de la ministre néerlandaise du commerce extérieur et de la coopération au développement (Sigrid Kaag), un accent très marqué sur les populations transgenres, les jeunes et notamment les jeunes filles (par la princesse Mabel d'Orange), un moment de recueillement pour se rappeler qu'un certain nombre de néerlandais engagés dans la lutte contre le VIH ont péri dans l'explosion du vol MH17 alors qu'il se rendait au même congrès à Melbourne il y a 4 ans, l'apparition surprise de Conchita Wurst qui n'était pas annoncé au programme, l'importance de donner un accès aux soins et la prévention aux laissés-pour-compte (Michel Sidibe de l'Onusida) et l'importance de ne pas mollir dans l'engagement (TA Ghebreyesus, le directeur général de l'OMS).

Et pour la petite histoire : le Pr. Peter Reiss, organisateur local de la conférence, rappelle qu'entre 400 et 500 personnes s'infectent avec le VIH en Hollande tous les ans (17 millions d'habitants), essentiellement les HSH. A un moment où en France les inspecteurs de l'IGAS  fustigent la lenteur de la mise en place de la PrEP en 2015, son accès et sa prise en charge viennent tout juste d'être officialisés en Hollande : et tout le monde de trouver que c'est un progrès important et le ministre de la santé s'en voit applaudi… Peter Reiss a tout de même souligné que "l'on aurait pu être un peu plus rapide"…

Vous pouvez également suivre l'actualité du congrès en français avec les excellents compte-rendus de la lettre de l'infectiologue, avec cette année une équipe de choc (Valérie Pourcher, Guillaume Breton, Romain Palich et Jean Philippe Madiou), sur VIH.org (Charles Roncier est sur place !) et sur Seronet.info.

Comme d'habitude, si c'est en rouge avec un lien hypertexte, c'est que le PDF de l'article est derrière... et "NDR et en italique" signifie "Note De la Rédaction, avis perso qui n'engage que moi..."

Bonne lecture à tous.

Dr Cédric Arvieux - COREVIH-Bretagne


Mardi 24 juillet

Session plénière

The epidemiology and vulnerability of missing and indigenous populations - S.Baral, Johns Hopkins School of Public Health, United States
Epidémiologie et vulnérabilité des populations cachées et indigènes

Petit rappel épidémiologique en ce début de conférence : il y a 36,9 millions de personnes vivant avec le VIH, dont 1,8 million l'ont acquis en 2017; 21,7 million sous traitement dont 17 millions ont une charge virale (CV) indétectable. L'orateur a voulu s'attacher à quelques exemples montrant qu'il faut aujourd'hui avoir une approche micro-épidémiologique si l'on veut obtenir des résultats tangibles…
Les rapports transactionnels en Afrique australe: quand l'on s'intéresse aux données d'acquisitions du VIH, on est frappé, notamment en Afrique subsaharienne et tout particulièrement en Afrique du Sud, par la rapidité  d'acquisition chez les très jeunes femmes, qui s'infectent massivement entre 10 en 20 ans…
Les déterminants de l'acquisition du VIH de ces jeunes femmes sont "classiques" et associés à l'alcool, les autres drogues, la non-utilisation du préservatif, la différences d'âge du partenaire masculin… mais l'une des particularités reste la question des rapports transactionnels, qui ressortent comme facteur de risque dans toutes les études.
Dans un programme récent de prévention en Tanzanie, le nombre de partenaires, le sexe transactionnel et l'âge des partenaires sortent comme facteurs de risques majeur d'acquisition du VIH.
Place des usagers de drogues dans la dynamique épidémique en Russie : une des questions est de savoir si nous sommes entré dans une phase de généralisation de l'épidémie en Russie, ou si l'on est toujours dans une épidémie de "groupes à risques"… la prévalence du VIH est très élevée chez les usagers de drogues des grandes villes, mais il y a actuellement une diffusion épidémique vers les partenaires sexuels des usagers de drogues, et chez les partenaires de ceux-ci… En fédération de Russie, en 2017, les usagers de drogues "actifs" ne représentent "que" 27% de la prévalence, contre 39% aux anciens usagers, 10% de SMS, 1% de prostituées… mais 23% de partenaires sexuels des populations clés?. Si l'on regarde l'incidence 2017, la part des "partenaires sexuels" des populations clés représente près d'un quart des 23% des nouvelles infections (l'usage actif de drogue injectable représentant toujours près de 40% de l'incidence)
Accès aux services pour les MSM en Afrique :  on estime qu'en Afrique subsaharienne seulement 7,9% des MSM VIH+ ont une CV indétectable, en grande partie liée à l'absence de dépistage ou à l'absence de recours aux soins. C'est au Kenya que la part de MSM dans l'épidémie paraît la plus importante en Afrique, avec un peu plus de 15M% des cas. Au Sénégal, la part des MSM dans la "fraction attribuable" de l'épidémie augment de façon importante au cours des 20 dernières années, la diffusion de l'épidémie se faisant en partie à partir de ce réservoir qui a plutôt tendance à augmenter, par manque de programme de prévention ciblée et du fait de la stigmatisation persistante.
Les communautés indigènes sont particulièrement touchées à travers le monde : que ce soient les indiens du Saskatchewan ou les aborigènes d'Australie, les déterminants sociaux sont eu  premier plan pour expliquer l'augmentation de l'incidence (désocialisation, alcoolisation, racisme, mise à l'écart des programmes de prévention…).
Chez les indiens d'Amériques du Sud, il existe des signes inquiétants de progression épidémiques ; au Venezuala, ou la situation sanitaire est actuellement catastrophique, une étude de prévalence chez les indiens Warao retrouve un chiffre proche de 10%.
Chez les travailleuses du sexe en Afrique du Sud, la prévalence du VIH est de l'ordre de 30%, mais elle peut atteindre plus de 50% dans des pays comme le Malawi. La fraction attribuable des infections liées à la prostitution est importante, non pas tant par la prévalence chez les prostituées elle-même (mais qui sont peu nombreuses) mais par le modèle de diffusion dans la population générale à partir des clients des prostituées (Mishra et al. Annals of epidemiology 2016)
En conclusion, l'orateur suggère de sortir de la notion de "population générale" qui est peu adaptée dans le domaine du VIH, les dynamiques épidémiques étant très particulières.
(NDR : dans des modèles "d'épidémies généralisées", il est étonnant de voir à quel point , quand on étudie les phénomènes épidémiques en profondeur et sur le long terme, le rôle du travail du sexe, des rapports transactionnels ou des MSM sont essentiels, d'où l'importance de se consacrer aux "populations clés").

Exploring innovation around HIV and substance use. A.Deryabina, ICAP at Columbia University, Kazakhstan - O.Stryzhak, Positive Women, Ukraine
Innovations autour du VIH et de la consommation de drogues

250 millions de personnes utilisent des drogues (hors alcool et tabac)  dans le monde, 12-13 millions ont des pratiques d'injection (UDI), et 1,7 millions d'entre elles vivent avec le VIH. Lorsque l'on a des pratiques d'injections, le risque d'acquisition du VIH augmente d'un facteur 24. Les personnes infectées par le VIH et injecteurs de drogues sont également plus à risque d'immunosuppression (par un effet propre aux opioïdes)et dans la plupart des pays, ces pratiques sont associées à un moindre accès aux soins et à un faible taux de rétention. Ceci amène à constate des différences à tous les stades de la cascade de prise en charge (graphe).
Plus récemment, l'utilisation du chemsex (Pakainathan et al.  HIV Medecine 2018) est venue perturber le paysage habituel des drogues injectables, avec des produits moins chers, plus addictifs et générateurs d'un grand nombre d'injections.
Il faut pouvoir proposer des méthodes modernes et adaptées pour dépister, traiter et améliorer la qualité de vie des personnes concernées : de nouveaux modèles de dépistage autour des cas index permettent de beaucoup mieux dépister les cas à risque; l'autotest est également une façon d'améliorer le dépistage précoce. Des programmes de passage d'infirmières à domicile chez les UDI en Asie centrale montrent de meilleurs résultats que chez des non UDI ne bénéficiant pas du programme. Les traitements de substitution sont également un pilier de la prise en charge et l'intégration des services VIH et la substitution est essentielle pour obtenir une qualité de prise en charge maintenue sur le long terme (Springer et al. ann int med 2018).
La PrEP pourrait être une solution intéressante chez les UID avec des résultats préliminaires intéressants  (Choopanya et al.  Lancet 2013), bien que l'observance puisse être un challenge.
La Russie, qui compte 1,9 millions d'UID et 40% de VIH parmi eux, n'a ni programme d'échange de seringues, ni programme de substitution…
Actuellement, plus de 100 milliard $ sont dépensés dans la lutte contre la drogue, alors que seulement 160 millions $ sont consacrés à la réduction de risque… Consacré 7,5% des ressources de la lutte contre la drogue à la réduction de risque permettrait de couvrir l'essentiel des besoins et de réduire l'incidence de plus de 90%. Les nouvelles substances psychoactives utilisées doivent amener à revoir en partie les programmes de réduction de risque : la substitution y est inefficace et le nombre de seringues nécessaire peut être très élevé du fait de la répétition des injections…

Putting HIV science into the criminal justice system: Impacting lives - A. Maleche, KELIN, Kenya;  R.Suttle, The Sero Project, United States
Introduire la science du VIH dans le système judiciaire : un impact sur la vie

La criminalisation du VIH peut se retrouver dans les textes directement ou indirectement ; parmi les faits criminalisés, on retrouve le plus souvent la non-information des partenaires et la transmission. Il n'y a pas de bases scientifiques dans la mise en place de ces lois, mais seulement de la peur et du manque d'information. Dans la loi Kenyane, l'information du partenaire était obligatoire et reposait  entièrement sur les épaules de la personne VIH+ ; le travail des militants des droits des personnes séropositives devant la cour constitutionnelle a permis un retrait de cette loi, jugée anticonstitutionnelle… De nombreux pays sont revenus sur leurs lois discriminatoires.
L'orateur a insisté sur l'importance des médias… l'Ouganda qui dispose d'une presse trash assez puissante, à l'image des tabloïds anglais, a monté en épingle une histoire de possible transmission du VIH par une infirmière VIH + et militante des PVVIH, suite à un accident d'injection à un enfant : elle a été condamnée pour tentative de meurtre (alors même que l'enfant n'avait pas été infecté, finalement reconverti en 5 mois ferme (ce qu'elle avait déjà fait lors du jugement en appel), mais sans remise en cause sur le fond de l'accusation. De la même façon, un homme ayant mordu un policier au Kenya, testé contre son gré est en cours de  jugement pour "tentative de meurtre sur un agent de la force publique" car la sérologie s'était avérée positive.
Le  projet SERO (www.seroproject.com) est une ONG américaine d'aide aux personnes condamnées ou poursuivies du fait de leur séropositivité. Plusieurs américains (essentiellement noirs !) sont actuellement emprisonnés pour mise en danger de la vie d'autrui, y compris en l'absence de toute contamination prouvée, certains ayant été condamnés à des peines ≥ 30 ans. L'orateur a lui même été condamné à 6 mois de prison ferme dans le cadre d'une rupture un peu difficile ou son ex-partenaire qui l'a accusé de tentative d'agression via le VIH. Ce n'est pas tant la condamnation que le fait d'être ensuite inscrit au fichier des délinquants sexuels de Louisiane pour 15 ans qui entraine des difficultés sociales majeures : cela lui interdit la fréquentation des écoles et les parcs, en cas de déménagement une annonce est faite dans les journaux et dans le voisinage pour annoncer l'arrivée d'un délinquant sexuel dans le quartier, les loueurs et employeurs ont accès à l'information… et c'est indiqué en gros sur le permis de conduire, qui sert de papier d'identité aux USA !!! La criminalisation entraine une stigmatisation sociale, une situation embarrassante dans les médias sociaux, rend les rencontres difficiles, soumet aux risques constant de poursuite et a des effets sur la santé mentale.
L'orateur a rappelé la demande des ONG Etats-uniennes de lutte contre le VIH de déplacer la conférence 2020 ailleurs qu'aux USA, du fait des atteintes marquées aux droits des minorités et des personnes infectées par le VIH.

Elton John et le Duke of Sussex (Harry pour les intimes) ont profité de cette session pour annoncer le lancement de la coalition "MenStar", qui va essayer de cibler les hommes dans les campagnes d'information et de prévention en Afrique subsaharienne, notamment les plus jeunes par le biais de l'autotest (je me demandais bien pourquoi il y avait une trentaine de photographes assis devant moi avec d'immenses téléobjectifs depuis le début de la session…).


Session de communications orales libres : antirétroviraux

Comparative effectiveness of first-line antiretroviral therapy regimens: Results from a large real-world cohort in Brazil after the implementation of Dolutegravir. M.V. Meireles, A.R. Pascom, F. Perini, F. Rick, A. Benzaken, Brazil
Efficacité comparée des régimes de 1ère ligne au Brésil : résultat d'une large cohorte après l'implémentation du dolutegravir

Le Brésil doit prendre en charge près d'un million de personnes infectées par le VIH, dont une forte majorité d'hommes. Compte tenu des structures sanitaires du pays, de sa taille, de la volonté de l'état de donner un accès aux ARV à tous, les instructions de mise sous traitement sont "normalisées": jusqu'à une période récente, le traitement de 1ère ligne était systématique EFV/3TC/TDF sauf contre-indication spécifique. Le Brésil a été le premier pays à introduire une recommandation d'utilisation d'une anti-intégrase, le dolutegravir, en 1ère ligne, associé également au 3TC et TDF.
Une analyse rétrospective du succès virologique des deux programmes successifs a été menée. Bien qu'elle ne soit pas dénuée de tout biais, cette analyse retrouve une efficacité supérieure du régime avec dolutegravir de l'ordre de 42% (85% de CV indétectables contre 78 %) par rapport au régime de base avec EFV, voire jusqu'à 150% plus efficace quand on le compare à des régimes avec antiprotéases. L'un des biais potentiels est que l'EFV reste indiqué dans les co-infections tuberculose, qui sont intrinsèquement plus à risque d'échec virologique.

Simplification to dolutegravir monotherapy is non- inferior compared to continuation of combination antiretroviral therapy in patients who initiated combination antiretroviral therapy during primary HIV infection: A randomized, controlled, non- inferiority trial. D.L. Braun, T. Turk, B. Hampel, C. Grube, P. Schreiber, M. Greiner, D. Steffens, F. Tschumi, C. Bayard de-Torronté, C. Depmeier, K. Metzner, B. Bertisch, J. Böni, R. Kouyos, H. Günthard, for the Zurich Primary HIV Infection Study, Switzerland
Le passage à la monothérapie de dolutegravir est non-inférieure à la poursuite de la trithérapie chez les patients ayant initié leur traitement lors de la primo-infection

Compte-tenu des données négatives concernant la monothérapie de dolutegravir, il apparaît difficile de proposer de nouveaux essais dans le domaine. Néanmoins, les caractéristiques intrinsèques des personnes traitées au cours de la primo-infection, et notamment un réservoir ADN potentiellement plus bas que la moyenne, pourraient en faire de bons candidats à une simplification "extrême".
Une étude randomisée (2:1 - DTG monothérapie versus poursuite du traitement en cours) a donc été menée chez 101 patients traités dans les 6 mois suivant la primo infection et ayant une charge virale indétectable depuis plus d'un an et pas d'antécédent d'échec ou de résistance virale. En pratique, il n'y a qu'un seul échec, dans le groupe DTG monothérapie, mais correspondant à une violation majeure de protocole. Ce patient a de nouveau une CV indétectable et pas de résistance virale après reprise d'une trithérapie  DTG-3TC-ABC. Tous les autres patients gardent une CV indétectable à S48, il y a une petite diminution du réservoir ADN dans les deux populations, et aucun patient dans les deux groupes n'a de VIH détectable dans le LCR à J0 et à S48.
(NDR : la petitesse de l'échantillon et le faible recul, 48 semaines, doivent néanmoins nous rendre prudent sur la "généralisation" de cette simplification, qui ne concernerait de toute façon qu'une très faible partie de nos files actives…et les données de l'étude MONCAY présentée un peu plus loin montrent l'importance de disposer de données un peu plus long terme…).

Dolutegravir monotherapy versus dolutegravir/abacavir/lamivudine for HIV-1- infected virologically suppressed patients: Results from the randomized non-inferiority MONCAY trial L. Hocqueloux, C. Allavena, T. Prazuck, L. Bernard, S. Sunder, J.-L. Esnault, D. Rey, G. Le Moal, M. Roncato-Saberan, M. André, E. Billaud, V. Avettand-Fènoël, A. Valéry, F. Raffi, J.-J. Parienti, MONCAY Study Group, France
Monothérapie de dolutegravir versus dolutegravir/abacavir/lamivudine chez les patients en contrôle virologique : résultats de l'essai randomisé MONCAY

L'essai MONCAY a été mené dans 9 centres français comparant chez des patients ayant une charge virale indétectable, un changement de traitement pour une monothérapie de dolutegravir ou une trithérapie DTG-ABC-3TC : 80 patients ont été randomisés dans le groupe trithérapie et 78 dans le groupe monothérapie. A SS24, on ne retrouve pas de différence entre les deux bras, mais  lors de l'analyse intermédiaire menée sur les données de S48, le comité indépendant a demandé un arrêt de l'essai et le passage de tous les patients en trithérapie. En effet, alors qu'il n'y avait aucun échec dans le groupe trithérapie, on retrouve 7 échecs dans le groupe monothérapie, dont 2 avec une émergence de résistance virale. Les facteurs d'échecs retrouvés en analyse multivariée sont la présence de CD4 bas au screening et la présence d'un signal ARN positif malgré la charge virale indétectable. Il apparaît donc une nouvelle fois que la monothérapie de DTG n'est pas adaptée à une population qui ne serait pas "ultra-sélectionnée" (NDR : en sachant que dans ces essais de monothérapie DTG, la population est déjà "super-sélectionnée" !).

A phase 3b, open-label, pilot study to evaluate switching to elvitegravir/cobicistat/emtricitabine/tenofovir alafenamide (E/C/F/TAF) in virologically- suppressed HIV-1 infected adult subjects harboring the NRTI resistance mutation M184V and/or M184I (GS-US-292-1824). I. Perez Valero, J.M. Llibre, A. Lazzarin, G. Di Perri, F. Pulido, J.-M. Molina, S. Esser, I. McNicholl, R.-P. Lorgeoux, N. Margot, Y. Shao, D. Piontkowsky, M. Das, R. Haubrich, Spain
Passage à un traitement par elvitegravir/cobicistat/emtricitabine/tenofovir-alafenamide chez des patients controllés virologiquement et ayant un virus porteur de la mutation M184V/I

Dans cette toute petite étude prospective, on se repose l'éternelle question… chez des patients ayant une charge virale indétectable sous trithérapie avec 3TC ou FTC et ayant un antécédent connu de mutation M184V, celle-ci impacte-t-elle l'efficacité d'un changement de traitement contenant toujours l'une de ces deux molécules. Le début de réponse est plutôt négatif : pas d'impact mis en évidence, 100% des patients passés au régime elvitegravir/cobicistat/FTC/TAF gardent une CV indétectable à S12 et S24… (NDR : il n'est pas certain que ce soit le régime le plus indiqué dans une situation de ce type, alors que l'on essaie aujourd'hui de se passer au maximum des boosters… l'enseignement intéressant de l'étude est que seulement la moitié des génotypes ADN retrouvent les mutations en question, alors que l'on sait qu'elles ont été présente à un moment ou un autre de l'histoire thérapeutique de ces patients).

Non-inferior efficacy of dolutegravir (DTG) plus lamivudine (3TC) versus DTG plus tenofovir/emtricitabine (TDF/FTC) fixed-dose combination in antiretroviral treatment-naïve adults with HIV-1 infection - 48- week results from the GEMINI studies. P. Cahn, J. Sierra Madero, J. Arribas, A. Antinori, R. Ortiz, A. Clarke, C.-C. Hung, J. Rockstroh, P.-M. Girard, C. Man, J. Sievers,  A. Currie, M. Underwood, A. Tenorio, K. Pappa, B. Wynne, M. Gartland, M. Aboud, K. Smith,  Argentina
Non inferiorité de l'association dolutegravir-lamivudine versus dolutegavir/lamivudine/tenofovir en première ligne de traitement antirétroviral : résulats à 48 semaines des essais GEMINI 1 et 2.

Les études Gemini 1 et 2 menées par ViiV healthcare explorent la possibilité d'utiliser une bithérapie DTG/3TC versus trithérapie chez des patients en initiation de traitement antirétroviral (NDR : ViiV a eu l'intelligence commerciale de se comparer à une trithérapie avec TDF et non à sa trithérapie DTG-3TC-Abacavir…). La force de l'essai est d'avoir inclus près de 1 500 patients avec un suivi prévu au-delà de 144 semaines. Les résultats présentés ici sont ceux des deux études, à 48 semaines : on retrouve 93% (trithérapie) et 91% (DTG-3TC) de CV indétectable à 48 semaines (respectivement 4 et 6 échecs virologiques, sans émergence de résistance virale), avec une non-infériorité confirmée de la bithérapie. A noter que l'on ne retrouve pas de différence d'efficacité en fonction du niveau de charge virale, seule une méthode statistique (snapshot) montre des résultats en défaveur de la bithérapie chez les patients ayant des CD4<200 à l'inclusion. Concernant les effets secondaires, on retrouve les classiques marqueurs biologiques osseux et rénaux en défaveur du TDF (avec une diminution du DFG de 15% pour le bras avec TDF et de 12% dans le bras bithérapie). En pratique, la bithérapie pourrait éventuellement être utilisée d'emblée, avec peut être une petite précaution chez les patients ayant des CD4 bas…

Non-inferior efficacy for darunavir/ritonavir 400/100 mg once daily versus lopinavir/ritonavir, for patients with HIV RNA below 50 copies/mL in South Africa: The 48-week WRHI 052 study. F. Venter, M. Moorhouse, S. Sokhela, E. Maharaj, G. Akpomiemie, B. Simmons, C. Serenata, A. Hill. South Africa
Non-infériorité de l'association darunavir/r 400/100 mg versus lopinavir/r chez les patietns ayant une charge virale controlée : résulats à S48 de l'essai WRHI 052

Le coût du darunavir (c'est l'antirétroviral dont la production est la plus onéreuse) le rend peu accessible dans les pays à ressources limitées, alors que c'est l'antiprotéase la plus utilisée dans les pays industrialisés, essentiellement pour des questions de meilleur rapport tolérance/efficacité. Cette étude prospective a comparé deux traitements de relais chez des patients sous trithérapie avec lopinavir/r et ayant une charge virale contrôlée depuis au moins deux mois : 300 patients ont été randomisés soit dans un bras "poursuite du même traitement avec LPV/r", soit pour un changement du lopinavir/r vers  "darunavir/r 400/100". Ce choix d'une faible dose de DRV/r vient d'études antérieures montrant, chez des patients à charge virale indétectable, d'une non-inferiorité de la moindre dose. A. S48, on ne retrouve aucune différence, avec globalement 95% de charges virales restant indétectables dans les deux bras, confirmant l'efficacité (et la bonne tolérance) de la faible dose de DRV/r. (NDR : Ce résultat est encourageant, et sera à replacer dans un contexte de modification des stratégies antirétrovirales si l'on confirme le passage des ani-intégrases en 1ère ligne avec le dolutegravir).

 

Session "accès au traitement" (symposium) : Treat the world: Working united across diseases for quality and affordable treatment for all

NDR : Cette session regroupait un panel assez hétérogène mais avait pour objectif d'améliorer le dialogue entre les parties… d'un côté du ring, Andrew Hill, apôtre de la diminution des coûts des médicaments essentiels et auteurs d'une récente et excellente revue générale sur le sujet, accompagné de S. Lynch, médecins sans frontières, qui n'a pas la langue dans sa poche et Ellen FM't Hoen, engagée historiquement dans l'accès aux médicaments et aux démontages des accords commerciaux … de l'autre côté du ring, un représentant de Mylan et de ViiV healthcare (dont je ne rapporte pas les présentations qui étaient très rapides, mais qui activement ont participé au débat), et comme arbitre Pradeep Kakkattil, de l'Onusida…

Commonalities across treatments and diseases: A brief overview - A.Hill, St Stephens Aids Trust, United Kingdom
Points communs entre traitements et maladies : un rapide survol

Aujourd'hui, les médicaments sont vendus entre 100 et 1000 fois plus cher que leur  coût de production… le coût de production du dolutegravir est de 42$ par an, celui d'une molécule de Celgene, vendu 100.000£ en Angleterre, est d'environ 100£. Les inégalités entre pays sont immenses, avec souvent des pays pauvres qui ont accès potentiellement à des produits à faible coût, mais souvent inaccessibles pour d'autres raisons, des pays riches prêt à payer n'importe quoi à n'importe quel prix, et entre les deux un certain nombre de pays intermédiaires dont la situation n'est pas reluisante, avec des coûts d'achat très élevés. Les pays n'ont pas les prix qu'ils méritent (par rapport à leurs revenus et leur niveau de vie), mais les prix qu'ils négocient (cf. graphique sur le prix du dolutegravir dans les pays à niveau de ressource intermédiaire/haut)…
Concernant spécifiquement les traitements du VIH, un bon exemple est celui de l'association TDF/FTC ou 3TC/EFV : son  coût de production est de 82$ par an, son  coût le moins élevé sur le marché est de à 107$ par an… et son  coût aux USA est de 28.204 $ par an !  Ces différences se retrouvent dans les prix des traitements des infections opportunistes : il faut 14.000 $ pour traiter une cryptococcose en Afrique du Sud (amphotéricine B + fluconazole) contre un peu moins de 1.000 € en Inde.
Les génériqueurs peuvent parfois abuser de leur position dominante et faire brutalement augmenter les prix lorsqu'ils se retrouvent en situation de monopole, et parfois les prix ne baissent pas malgré l'ancienneté de l'accès au générique (insuline).
Le  coût de la recherche et du développement est souvent un argument avancé par les financiers, mais seule une toute petite partie des profits est réinjectée dans la R&D (Gilead a gagné 18 milliards de $ avec le sofosbuvir en 2015); par ailleurs, la plupart des grandes compagnies pharmaceutiques ont poussé très loin l'optimalisation fiscale, avec des économies qui suffiraient à elle seules pour financer l'éradication de la plupart des maladies transmissibles…
(NDR : A. Hill, comme a son habitude, n'a pas été tendre avec les fabricants de médicaments, que ce soient les grandes compagnies ou les génériqueurs… mais on ne peut pas dire que les reproches ne soient pas mérités !)

TRIPS flexibilities 2.0 across diseases: Staying ahead of the curve, thinking for the future. Ellen FM ‘t Hoen, Medicines Law & Policy, Netherlands
Flexibilité des ADPIC 2.0 : rester au sommet de la vague, penser au futur

Les TRIPS (accords de l'OMC sur les brevets, ADPIC en français) sont des accords destinés à protéger les intérêts des détenteurs de brevets. Très contraignants, ils ont été adossés à des garde-fous qui permettent de limiter les risques dans le domaine de la santé. En pratique, ces mécanismes de flexibilités sont peu utilisés alors qu'ils existent (Hoen et al. Bulletin of WHO Mar 2018), et ils ont été utilisés essentiellement dans le domaine du VIH, et plus récemment dans le domaine des cancers. La menace par un Etat d'émettre une licence obligatoire (c'est à dire passer outre le dépôt de brevet) est un moyen de pression important pour faire reculer les compagnies pharmaceutiques, et peut souvent aboutir à une licence volontaire (un accord passé entre la firme et le pays) ou à un accord de prix plus intéressant. Une nouvelle thérapeutique va être mise sur le marché américain pour 850 000 $/an , ce n'est pas acceptable et repose sur un "business model" complétement erroné de financement du développement des médicaments. Pour en savoir plus : www.medicineslawandpolicy.org

 Medicines Patent Pool -  C.Gore Switzerland

Le "medecine patent pool", (https://medicinespatentpool.org/fr/) qui a débuté avec les médicaments du VIH et s'élargi aux traitements des hépatites et de la tuberculose, est un mécanisme parmi d'autre de réduction des prix des médicaments et de les rendre plus accessibles, centré sur l’octroi volontaire de licences de médicaments et sur la création d’une communauté de brevets. Basé sur un mécanisme de type "fondation" financé par UNITAID, Il permet de créer un "panier" de médicaments essentiels sur la base d'accord entre le MPP et les firmes pharmaceutiques  d'un objectif de santé publique ; 17 molécules sont actuellement concernées. Le modèle est néanmoins difficile à maintenir, d'autant plus qu'un certain nombre de gouvernements ne font pas l'effort de financer la santé, et il n'y a ainsi pas forcément de demande pour des produits inclus dans le pool…

S.Lynch, Médecins Sans Frontières, United States

Les compagnies pharmaceutiques doivent offrir leurs produits au MPP, doivent arrêter de faire du recyclage de licence, doivent être transparente sur leurs  coût de R&D…
Outre les difficultés rencontrées actuellement avec les molécules sous brevet, d'importantes difficultés émergent dans des domaines où l'on ne s'y attendait pas… Au cours des deux derniers mois,  une absence de traitement de la tuberculose pédiatrique en Inde, car le répondant au marché n'était pas préqualifié OMS et était incapable de fabriquer la quantité nécessaire ; aux Philippines, une absence de réponse à un appel d'offre, les importateurs ne trouvant pas le marché intéressant, résulte en une rupture de stock d'anti-tuberculose de première ligne !
Actuellement, l'inclusion dans le MPP est basée sur la bonne volonté des compagnies et les choses avancent lentement (17 molécules, par rapport aux nombre de médicaments essentiels, c'est vraiment très peu). ViiV refusait jusqu'à aujourd'hui d'ouvrir la licence du dolutegravir pédiatrique dans les pays où il n'était pas enregistré… or seuls trois pays en Afrique subsaharienne ont enregistré la molécule…
La discussion a également a été porté sur les extensions de licence du Truvada®, accepté dans certains pays européens et rejetés dans d'autres (comme la France). Andrew Hill a rappelé qu'un individu était autorisé officiellement en Europe à contourner une licence pour son usage personnel, et ainsi l'achat sur Internet du générique de TDF/FTC en Angleterre n'est pas illégal (le NIH ne prenant pas la PrEP en charge).
A. Hill, S. Lynch et Ellen FM ‘t Hoen ont appelé les cliniciens à leurs responsabilité (après la question d'un clinicien dans la salle : que puis-je faire individuellement pour faire avancer les choses ?) et à ce qu'ils expriment comme inacceptables les coûts prohibitifs et qu'ils le fassent savoir aux compagnies pharmaceutiques concernées.
NDR : à notre échelle actuellement, la question du passage des trithérapies en un seul comprimé par jour (STR) à des combinaisons associant princeps + génériques, certes en 2 comprimés au lieu d'un seul, est essentielle, générant des économies gigantesques (20 à 25 millions d'euros par an pour 10 000 patients passant du STR aux génériques) et remarquablement bien acceptée par les patients sur le seul argument de la diminution de coût !

 

Mercredi  25 juillet 2018

Session plénière

The newest science in the search for a cure and vaccine - B.Jones, Weill Cornell Medicine and The George Washington University, United States
Données récentes dans la recherche d'une guérison et d'un vaccin du VIH

Une présentation très didactique sur les stratégies d'élimination : exceptionnellement, je vous mets le fichier PowerPoint en ligne (66 Mo) il ne semble pas y avoir de Webcast pour l'instant).
Le réservoir de virus a été représenté sous la forme de l'eau se situant en amont d'un barrage : on peut essayer de vider le virus qui "dort" dans l'eau (mais c'est compliqué), ce qui correspond à une stratégie d'élimination,  et on peut renforcer le barrage, ce qui correspond à une stratégie de renforcement du contrôle immunitaire. Cinq grandes stratégies peuvent être envisagées pour maitriser complétement le virus : en amont du barrage,  Kick an Kill (stimuler le virus dormant puis l'éliminer), la thérapie génique pour cibler le provirus et l'éliminer ; en aval du barrage, la thérapie génique pour rendre les cellules insensibles au VIH et l'association vaccin/immunothérapie pour améliorer la réponse immune de contrôle viral. Enfin, on peut imaginer une stratégie "block and lock (bloquer le virus et fermer la porte) qui dans la métaphore du barrage consisterait à geler l'eau en amont et à l'empêcher de se réchauffer.
Une large majorité des provirus présents dans l'organisme sont défectifs, et seulement 2% sont réellement en capacité de fabriquer du virus. De nouvelles techniques permettent aujourd'hui de mesurer la quantité de provirus "actif" et de mieux cerner quels sont les défis en terme d'éradication. Par ailleurs, il existe en parallèle des sanctuaires viraux, le réservoir viral ne se constituant pas au hasard de l'organisme. Il existe ainsi des "nœuds" de rebonds potentiels au sein de l'organisme qu'il faut arriver à cibler :  il est donc nécessaire non seulement de savoir mesurer le provirus mais également de savoir dans quels compartiments il se situe.
Les cellules infectées par les provirus se "clonent" et se divisent mais le réservoir lui-même ne croit pas, ce qui implique qu'un certain nombre de cellules doivent mourir en route (Wang et al. PNAS 2018). Il y a donc une certaine dynamique du réservoir, avec des variations de population, de la réplication; une production protéique est également présente qui protège les cellules infectées et pourrait les rendre plus résistantes et plus difficiles à éliminer que prévu.
Il y a des avancées dans le "Kick and Kill", mais plus dans la compréhension des mécanismes que dans notre capacité à bien cibler les cellules impliquées. Les premières expériences montrent une insuffisance d'efficacité, sans que l'on sache très bien si c'est le "Kick" qui ne permet pas de suffisamment stimuler les cellules ou le "Kill" qui est incapable de les éliminer correctement.
Les Ac neutralisants à large spectre restent une piste intéressante car ils permettent à la fois de neutraliser le virus mais également de cibler les cellules infectées afin de pouvoir faciliter leur destruction ; l'équipe de Dan Barouch a montré que l'utilisation conjointe de TRL7-agoniste et un Ac neurtralisant à large spectre, on obtient une rémission chez 55% des primates alors que les chaque stratégie utilisée seule ne donne aucun résultat.
En résumé pour cette première partie sur le "Cure", il y a encore des choses à apprendre de la science mais on voit certains progrès, et notamment une amélioration des connaissances scientifiques sur la dynamique du réservoir (que l'on a longtemps cru stagnant) pourrait générer de grands progrès.
Concernant la vaccination, peut-on envisager de faire produire des Ac large spectre avec un vaccin ? Cela risque de ne pas être simple, car il faut un nombre important d'étapes et un temps très prolongé pour les produire "naturellement"… Des modèles en plusieurs phases (Andrabi et al. 2018) sont en cours de conception, et des essais sont en cours… chez les vaches (Sok et al. Nature 2018)
Concernant le vaccin (voir l'éditorial de Dan Barouch dans le Lancet-HIV), une expérimentation a été menée récemment avec le même vaccin chez l'homme et le singe : la réaction immune obtenue est similaire chez l'humain avec le VIH que chez le singe avec le SIV. Les challenges avec le SIV chez le singe ayant montré une efficacité protective (chose que l'on ne peut pas faire chez l'humain…), un essai débute actuellement en Afrique du Sud chez les femmes, qui sont les plus susceptibles de s'infecter…et donc pour lesquelles il sera plus "facile" de montrer une efficacité protectrice.

ART 2018 – Moving into the integrase era - P.Cahn, Fundacion Huesped, Argentina
Traitement antirétroviraux en 2018, une entrée dans l'ère des anti-intégrases

Pourquoi utiliser les inhibiteurs d’intégrase en première ligne ? L'efavirenz (EFV) n'est plus le traitement de référence qu'il a été : les anti-intégrases ont montré une supériorité à 48 semaines et 5 ans, la rilpivirine a également montré une supériorité, et les effets secondaires posent un réel problème chez un nombre non négligeable de patients (NDR : Dans les pays à ressources limitées, l'EFV avait néanmoins les deux avantages majeurs de pouvoir être utilisé pendant la grossesse et pendant le traitement de la tuberculose).
D'autres INNTI pourraient être utilisés à la place de l'EFV, mais la rilpivirine (RPV) pose le problème d'une moindre efficacité en cas de charge virale (CV) élevée, et l'etravirine a été peu développée et n'est pas accessible dans un grand nombre de pays.
La plupart des inhibiteurs d’intégrase montrent une puissance antivirale intrinsèque supérieure aux inhibiteurs de protéases (IP) et aux INTI et INNTI.
Les quatre inhibiteurs d’intégrase disponibles (raltegravir, dolutegravir, elvitegravir et bictegravir) ont montré des efficacités au moins égale et souvent supérieures à leurs comparateurs (INNTI ou IP) dans les études cliniques en première ligne. En 2nde ligne, le dolutegravir (DTG) apparaît  supérieur au lopinavir (LPV), et en 3ème ligne, le DTG fait mieux que le darunavir/r (DRV/r).
Les monothérapies  d'inhibiteurs d’intégrase n'ont été testées qu’avec le DTG, et on peut dire aujourd’hui qu'elles ne sont pas recommandées : même si le taux d'échec est faible, il se fait au prix de l'émergence d'une résistance de classe.
En bithérapie les résultats sont plus intéressants, avec notamment les résultats des études Gemini de DTG/3TC (cf. chroniques du mardi 24) et DTG-RPV qui permet une épargne d'INTI est a montré une équivalence à la trithérapie avec de très hauts niveaux de succès.
La bithérapie cabotegravir (CAB)-rilpivirine LP montre également un très haut niveau d'efficacité en thérapeutique et des essais sont en cours avec la PrEP CAB. La difficulté est l'extrême longueur de la 1/2 vie, qui nécessite une couverture par TDF/FTC une année entière après l'arrêt du CAB pour couvrir la "queue" pharmacologique de la molécule.
Les interactions ne sont pas très nombreuses mais peuvent être majeures. Les études  REFLATE et INSPIRING ont testé respectivement les interactions de la rifampicine avec le raltegravir et le dolutegravir : ces deux molécules peuvent être utilisées, moyennant une prise matin et soir (ce qui correspond à un doublement des doses pour le DTG). Ce qui n'est pas le cas du bictegravir (dont la rifampicine fait diminuer la concentration résiduelle de > 80%)  et de l'elvitegravir (du fait du boost).
Concernant l'utilisation pendant la grossesse, les données semi-récentes plaidaient pour une utilisation possible du raltegravir et une précaution sur les autres inhibiteurs d'intégrase. Les données très récentes de l'étude du Botswana ont été enrichies hier avec toujours 4 cas pour 596 grossesses (0,67%. Au moment de l'alerte, 4/ 485 soit un risque de 0,96% contre 0,12% pour les autres traitements), ce qui incite toujours à une grande prudence et à essayer d'éviter le DTG chez les femmes en âge de procréer n'ayant pas une contraception parfaitement efficace.
Concernant le risque d'IRIS, les essais REALITY, OPTIMAL et INSPIRING n'ont pas montré un excès d'IRIS en cas d'utilisation des inhibiteurs d'intégrase.
Dans le cadre du « medecine patent pool » (cf. chronique de mardi), le prix de la combinaison DTG-3TC-TDF sera de 75$ par an pour les pays de plus faibles revenus. Le Brésil, qui a déjà fait son changement de 1ère ligne de l'EFV vers le DTG a déjà 112 000 patients sous DTG. Néanmoins la question du  coût dans les pays à revenus intermédiaires doit être revue, celui-ci limitant considérablement l'accès aux inhibiteurs d’intégrase.

Differentiated models of prevention - N.Kilonzo, National AIDS Control Council (NACC), Kenya
Modèles de prévention différenciés

Nous sommes dans une phase de crise concernant la prévention du VIH : l'incidence a beaucoup diminué jusqu'en 2005, mais stagne de façon importante depuis la fin des années 2000, en étant très loin de l'objectif OMS de < 500 000 nouvelles infections en 2020.
Les évolutions sont très variables d'une région à l'autre, mais également d'une population à l'autre, avec la nécessité aujourd'hui de disposer de données "micro-épidémiologiques" pour guider correctement les politiques de prévention. Dans les populations clés, les diminutions d'incidence ne sont pas évidentes (cf. carte).
Les nouvelles infections chez les jeunes femmes de 15-25 ans sont essentiellement concentrées en Afrique avec deux pays particulièrement touchés en terme de nombre, le Nigeria et l'Afrique du Sud, et les déterminants épidémiques dans cette situation ne sont pas spécifiquement sanitaires, mais plus spécifiquement sociaux et liés aux inégalités de genre. Des interventions seulement centrées sur le VIH on peut de chance d'aboutir dans ce type de situation, il est impératif d'agir sur les déterminants sociaux et les violences de genre si l'on souhaite obtenir des résultats.
La circoncision est un bon exemple de ce qui peut fonctionner lorsqu'elle est promu à grande échelle, (NDR : bien que son efficacité intrinsèque soit trop faible pour l'on en voit les effets immédiats).
Le traitement comme prévention est également un élément essentiel de la stratégie de réduction de l'incidence, mais le dépistage et le lien vers le soin restent les obstacles principaux.
Au Kenya, une politique de prévention de haut niveau a été mise en place, mais montre des effets très divers d'une province à l'autre, notamment dans les provinces où les prévalences étaient initialement les plus basses. Les facteurs économiques et géographiques sont ici essentiels, les provinces où le VIH est en plus forte progression sont celles qui correspondent aux nouvelles voies ferrées, aux corridors de transports routiers et aux postes frontaliers, en gros les endroits où les personnes sont les plus mobiles.
Et enfin, ce n'est pas parce que l'on dispose de nouveaux moyens de prévention qu'il faut abandonner ceux qui fonctionnent déjà… la promotion du préservatif reste un axe essentiel avec la nécessité de couvrir les besoins (l'objectif au Kenya est de délivrer 40 préservatifs par homme/an, alors que l'on stagne toujours en dessous de 10…).
Les objectifs 2020 fixés par l'OMS en terme de prévention du VIH sont ambitieux pour une partie d'entre eux, et certainement difficile à atteindre : 75% de réduction d'incidence par rapport à 2010, soit moins de 500 000 nouvelles infections (NDR : on sait déjà que l'on y arrivera pas) ; 90% de couverture en prévention des jeunes filles et des populations à haut risque ; la distribution de plus de 20 millions de préservatifs par an, soit 25 à 50 par homme dans les pays de haute prévalence ; 25 millions de circoncisions volontaires supplémentaires; allouer 15 à 30% du budget VIH à la prévention ; s'assurer que 30% des services de prévention seront délivrer par le secteur communautaire d'ici à 2030.
Il reste du pain sur la planche !

 

Session de communication orales libres : choix des présidents

Cette session a la particularité de ne pas être thématique, mais un choix spécifique des deux co-présidents de la conférence

Engagement in methadone maintenance therapy associated with less time with plasma HIV-1 RNA viral load above 1500 copies/mL among a cohort of HIV-positive people who use drugs in Vancouver, Canada - B. Barker, C. Fairgrieve, K. Ahamad, T. Kerr, J. Shoveller, J. Montaner, E. Wood, M.-J. Milloy - Canada
L'engaement dans un programme de substitution par méthadone entraine une diminution de la période pendant laquelle la charge virale est > 1500 cop/mL chez des usagers de de drogues à Vancouver

Même si on se focalise sur le caractère indétectable de la charge virale (CV) pour annoncer une "non transmissibilité" du VIH, les études anciennes montrent que le niveau de transmission n'augmente qu'à partir d'une CV est > 1500 cop/mL. C'est la raison pour laquelle ce projet s'est intéressé à ce niveau de CV parmi les usagers de drogues injectables (UID)  au sein de la cohorte ACCES (UID VIH+ recrutés au niveau communautaire en Colombie britannique).
L'échantillon concerne tous les patients de la cohorte ayant eu un traitement ARV et au moins deux CV à 6 mois d'intervalle, afin de pouvoir calculer un pourcentage de temps < 1500 cop/mL au cours du suivi, avec comme variable explicative le fait d'être intégré dans un programme méthadone.
Entre 2005 et 2017, 867 UID ont été évalués, soit un peu moins de 10 000 observations (nombres de CV)  et 4 532 personnes/année ; 522 UID étaient engagés dans un programme méthadone. Un peu mois de 20% des observations montrent une CV>1500 cop/mL. Les facteurs prédictifs en analyse multivariées sont le fait de participer à un programme méthadone (30% de CV<1500 supplémentaires), et à un moindre degré d'âge (4% par année supplémentaire).
Il apparaît donc qu'il est important de proposer des programmes de substitution aux UID afin de limiter la transmission au sein de la communauté des UID, et de militer au niveau international pour que la méthadone soit disponible partout (elle reste illégale en fédération de Russie, qui compte près de 2 millions d'injecteurs).

Universal test and treat (UTT) versus standard of care for access to antiretroviral therapy in HIV clients: The MaxART stepped-wedge randomized controlled health systems trial in Swaziland - S. Khan, D. Spiegelman, F. Walsh, S. Mazibuko, M. Pasi, B. Chai, R. Reis, K. Mlambo, W. Delva, G. Khumalo, M. Zwane, Y. Fleming, E. Mafara, A. Hettema, C. Lejeune, T. Bärnighausen, V. Okello - Swaziland
Etude MaxART : traitement universel dès le dépistage versus prise en charge standard

Le programme EAAA (Early Access to ART for All - Accès au traitement précoce pour tous) devant être mis en place au Swaziland, une étude préliminaire (MaxART) a été initiée pour en estimer les bénéfices potentiels. L'étude a été menée dans 14 sites, avec un groupe contrôle de prise en charge standard, et dans le groupe EAAA, l'offre d'ARV indépendamment des CD4, accès à la CV, suivi clinique spécifique et intervention communautaire. Les points d'évaluation sont la rétention et la charge virale.
Un peu plus de 3 400 patients ont été inclus, 2/3 en prise en charge classique et 1/3 en EAAA. Il y avait significativement plus d'hommes dans le groupe EAAA.
La rétention est meilleure dans le groupe EAAA : 86% versus 80% à un an, et à 2 ans une différence de 60% entre les deux groupes, avec un écart qui se creuse avec le temps. L'évaluation économique ne retrouve pas de différence de coût entre les deux bras.
(NDR : les résultats sur la charge virale n'ont pas été présentés, et curieusement il n'y avait aucune une analyse statistique concernant les différences trouvées, en dehors de la  différence de rétention à 12 mois).

Men's HIV risk profiles in South African DREAMS sites: Using latent class analysis for more strategic, context-specific programming and evaluation - A. Gottert, C.J. Heck, S. Mathur, J. Pulerwitz - United States
Profils de risque chez les hommes sur les sites DREAMS d'Afrique du Sud

L'accès des hommes à la prévention et au traitement reste problématique dans un pays où la population infectée par le VIH est la plus élevée du monde. Cette étude a utilisé une méthodologie de "Latent Class Analysis" (LCA) qui permet de mettre en évidence des regroupements épidémiologiques  qui ne seraient pas évidents à première vue ; 962 hommes ont été concernés : seulement 16% vivaient en couple, 1/4 des intéressés avait plus de 5 partenaires, 56% s'étaient engagés dans des actions sexuelles transactionnelles.
Quatre grands groupes ont pu être définis: jeunes à risques modérés (beaucoup de partenaires, du même âge qu'eux, non mariés et sans emploi, alcool et inégalité de genre modérés), jeunes à haut risque (beaucoup de partenaires, non mariés, emploi informel, beaucoup d'alcool et d'inégalité de genre…), plus âgés à faible risque et plus âgés à haut risque (le groupe ou la différence d'âge homme/femme est le plus fort de même que la présence de sexe transactionnel). Les personnes à haut risque ne sont pas particulièrement plus touchées par les services autour du VIH, que ce soit en terme d'accès à la prévention que de dépistage.
A noter dans les questions, l'utilisation du préservatif a été évaluée mais non présentée : elle est très faible (<30% au cours des derniers rapports) et non différente au sein des 4 groupes déterminés.

 

Risk of HIV transmission through condomless sex in MSM couples with suppressive ART: The PARTNER2 Study extended results in gay men - A. Rodger, V. Cambiano, T. Bruun, P. Vernazza, S. Collins, G.M. Corbelli, O. Degen, V. Estrada, A.M. Geretti, A. Beloukas, A.N. Phillips, J. Lundgren, for the PARTNER Study Group - United Kingdom
Risque de transmission chez les couples HSH sérodifférents n'utilisant pas le préservatif : résultats de l'essai PARTNER2

L'étude PARTNER2  a été mise en place afin de disposer de données aussi solides chez les HSH que chez les héterosexuels, mise en évidence dans PARTNER1 (Rodger et al. JAMA 2016)
La phase 2 n'a concerné que les HSH, pendant la période 2014-2018. Pour être éligible, il ne fallait pas utiliser de PrEP, la charge virale de base devait être < 200 cop/mL et il devait y avoir à un moment ou un autre de l'histoire antérieure des rapports non protégés par le préservatif. Une analyse phylogénétique poussée a été menée afin de pouvoir distinguer les transmissions au sein du couple et en dehors du couple. Un peu moins de 800 couples sont analysables, avec 1.596 couples/année de suivi.
Pour les séronégatifs : 23% ont eu une IST pendant le suivi, 37% avaient des rapports non protégés avec d'autres partenaires hors couple, la médiane annuelle de rapports non protégés est de 43.
Pour les séropositifs : l'observance est globalement élevée, le nombre d'IST est de 27%.
En terme d'efficacité du TasP, on dénombre 15 séroconversions en cours d'étude, mais aucune est liée phylogénetiquement au virus du partenaire.
Cette nouvelle étude permet de faire baisser l'intervalle de confiance supérieur à 0,23 pour les HSH. A la fin de Partner1, l'IC supérieur était de 0.84 pour les HSH et 0.46 pour les hétérosexuels.
(NDR : encore une confirmation sans appel de l'effet TasP dans une situation de risque maximal : rapport anaux, IST fréquentes… des arguments scientifiques pour accompagner le slogan de l'ONUSIDA Indétectable = Intransmissible)

Impact of prevention and treatment interventions on population HIV incidence: Primary results of the community-randomized Ya Tsie Botswana prevention project - M.J. Makhema, K. Wirth, M. Pretorius Holme, T. Gaolathe, M. Mmalane, E. Kadima, U. Chakalisa, K. Manyake, A. Mbikiwa, S. Simon, R. Letlhogile, K. Mukokomani, E. van Widenfelt, S. Moyo, K. Bennett, J. Leidner, R. Lebelonyane, M.G. Alwano, K. Powis, S. Dryden-Peterson, C. Kgathi, V. Novitsky, J. Moore, P. Bachanas, W. Abrams, L. Block, S. El-Halabi, T. Marukutira, L.A. Mills, H. Bussmann, L. Okui, O. John, R. Shapiro, V. DeGruttola, Q. Lei, R. Wang, E. Tchetgen Tchetgen, M. Essex, S. Lockman - Botswana
Impact des interventions dans le domaine de la prévention et du traitement au Botswana : premiers résultats d'un essai randomisé à l'échelle communautaire

Le Botswana, depuis quelques années, montre la voie en terme de qualité d'intervention dans le domaine de la prévention et de la prise en charge, un des premiers pays africains du monde qui atteindra les fameux 90/90/90.
Cette étude a été menée de 2013 à 2018 : une comparaison de méthodes d'intervention dans 30 communautés (15 avec intervention renforcée comparée à 15 sans intervention spécifique). L'intervention consistait à générer une mobilisation communautaire, campagne de dépistage à domicile, lien vers le soin pour ceux qui sont dépistés positifs, traitement universel, renforcement des politiques de circoncision masculine volontaire. Le groupe comparateur se contentait d'un "standard of care" (qui a évolué au fil du temps puisqu'il correspond aux recommandations en cours dans le pays).
Le critère d'évaluation est l'incidence de l'infection VIH chez les personnes  dépistés une première fois négatives.
Près de 10 000 personnes ont été inclues, avec un bon taux de répétition de tests dans les deux groupes. La réduction d'incidence est d'au moins 30% : l'incidence du VIH est de 0,59% dans le groupe intervention et 0,92% dans le groupe comparateur. Les incidences sont par ailleurs assez variables d'une communauté à l'autre.
Concernant le suivi des personnes infectées, à la fin de l'étude, le taux de CV contrôlée est de 88% dans le bras intervention et 82% dans le groupe standard, alors qu'il était de 70 et 75% au début de l'étude.
Cette étude montre donc que par une intervention "globale" centrée sur une approche communautaire, on améliore non seulement la qualité de suivi des personnes infectées, mais que l'on diminue l'incidence dans la population générale.

SEARCH community cluster randomized study of HIV “test and treat” using multi- disease approach and streamlined care in rural Uganda and Kenya - D. Havlir, E. Charlebois, L. Balzer, T. Clark, D. Kwarisiima, J. Ayieko, J. Kabami, N. Sang, T. Liegler, G. Chamie, C. Camlin, K. Kadede, A. Mucunguzi, V. Jain, T. Ruel, S. Shade, E. Ssemondo, D. Byonanebye, F. Mwangwa, A. Owaraganise, W. Olilo, D. Black, K. Snyman, R. Burger, M. Getahun, J. Achando, B. Awuonda, H. Nakato, J. Kironde, H. Thirumurthy, C. Koss, L. Brown, C. Marquez, J. Schwab, G. Lavoy, A. Plenty, E. Mugoma Wafula, P.- Omanya, J. Rooney, M. Bacon, M. van der Laan, C. Cohen, E. Bukusi, M. Petersen, M. Kamya, SEARCH Collaboration - United States
Approche multi-maladies et "tester et traiter" pour le VIH : essai randomisé en cluster SEARCH, en zone rurale d'Ouganda et du Kenya

L'hypothèse de SEARCH est qu'une approche holistique (VIH, paludisme, tuberculose, diabète, HTA…) avec stratégie Test and Treat permet de diminuer l'incidence du VIH à terme. Il s'agit d'une étude comparative entre communautés avec intervention et sans intervention, au Kenya et en Ouganda.  L'étude a la puissance permettant de retrouver une différence de 25-40 % de réduction d'incidence à 3 ans, et a été menée de 2013 à 2017. Pendant cette période, les recommandations du pays (appliquées dans le groupe contrôle) ont beaucoup bougées, avec une accélération de l'accès au traitement.
La cohorte globale comporte 150 000 personnes.
Plus de 90% des personnes ont pu être testées pour le VIH, dans les deux groupes. La rapidité de mise sous traitement est bien supérieure dans le groupe intervention, avec une différence à 24 mois (en terme de personnes séropositives sous traitement ARV)  de 80% dans le groupe intervention versus 40% dans le groupe standard.
A trois ans, on note 79% de charges virales contrôlées dans le groupe intervention et 68% dans le groupe contrôle (+11%, p<0.01). Le contrôle de CV est moins bon chez les hommes, et encore moins bon chez les jeunes (55%).
La mortalité chez les patients VIH+ est inférieure de 21% dans le groupe intervention, et de 11% pour l'ensemble de la population, avec également une très forte diminution de l'incidence de la tuberculose par rapport au groupe contrôle. Le contrôle de l'HTA est également meilleur.
En terme d'incidence du VIH, on ne retrouve aucune différence entre les deux groupes, des analyses sont en cours pour essayer d'expliquer cette absence de différence. L'incidence diminue globalement de façon importante pendant la période de l'étude (-45% au Kenya, un peu moins en Ouganda), mais sans différence entre les deux groupes.

 

Session de communications orales libres : PrEP, "travaux en cours"

PrEP uptake among pregnant and postpartum women: Results from a large implementation program within routine maternal child health (MCH) clinics in Kenya  - J. Kinuthia, J. Pintye, F. Abuna, H. Lagat, K. Mugwanya, J. Dettinger, M. Serede, J. Sila, J.M. Baeten, G. John-Stewart, PrEP Implementation for Young Women and Adolescents (PrIYA) Program Kenya
Utilisation de la PrEP chez des femmes enceintes ou en post-partum

L'incidence du VIH chez les femmes enceinte et en post partum est très élevée, de l'ordre de 3,8%, proche de ce que l'on retrouve chez les travailleuses du sexe (Thomson et al. JID 2018) et actuellement 40% des infections infantiles pourraient être liées à des primo-infections survenant pendant la grossesse. La meilleure prise en charge des femmes déjà infectées fait que cette proportion risque encore d'augmenter au cours des prochaines années. Le programme PRIYA (Prep implementation in young women and adolescent) a été mis en place afin de faciliter l'accès à la PrEP : des femmes venant en visite prénatale et testées négatives. Celles-ci sont screenés pour leurs facteurs de risque et leur motivation à prendre la PrEP. Un peu moins de 10 000 femmes ont été incluses dans le programme, 52% enceinte et 48% en post partum. Une  femme sur 5 débute la PrEP  dès la première visite : celles qui débutent sont plus à risque d'acquisition du VIH : victimes de violences de genre , ATCD d'IST, sexe transactionnel, victimes de viol, statut du partenaire inconnu...
Chez les femmes éligibles qui ne commencent pas la PrEP (2092), la raison essentielle est de vouloir consulter le partenaire avant de débuter (39% des causes de refus) ou de ne pas se sentir à risque (35%).

How long will they take it? Oral pre-exposure prophylaxis (PrEP) retention for female sex workers, men who have sex with men and young women in a demonstration project in Kenya  - J.K. Kyongo, M. Kiragu, R. Karuga, C. Ochieng, A. Ngunjiri, C. Wachihi, H. Musyoki, L. Digolo, L. Otiso, L. Gelmon, N. Kilonzo, W. Mukoma - Kenya
Combien de temps cela prendra-t-il : Rétention en Prep chez les travailleuses du sexe, HSH et jeunes femmes dans le Demonstration Project

Dans ce projet, un schéma de PrEp est proposé à toutes les personnes à risques, et notamment aux travailleuses du sexe HSH et jeunes femmes. Ce schéma inclus une période de réflexion de 15 jours, puis des visites mensuelles les premiers mois, puis trimestrielles si le suivi est jugé correct. Chez les travailleuses du sexe, partant de 100% de personnes éligibles, la "cascade" est la suivante :  il n'y a pas que 66% qui viennent chercher la PrEP à J15, 40% qui viennent à la visite de M1,… in fine, moins de 12% des éligibles sont encore suivies à M12. Les raisons d'arrêter la PrEp mises en avant par les personnes interrogées sont les effets secondaires, la non perception du risque, la trop grosse taille des comprimés, le packaging, le fait que ce soit bleu (et associé dans cette zone du Kenya à la couleur du poison), la difficulté d'accéder les sites de PrEP, le risque de discrimination sociale, l'absence de soutien de l'entourage, le risque de violence de la part du partenaire…
Les causes d'arrêt ou de non-utilisation montrent l'importance de déconstruire les mythes, les conceptions erronées et de mieux informer sur les effets secondaires. Il est également essentiel qu'il y ait une intervention au niveau de la communauté, car beaucoup d'arrêts ou de non-accès sont liés à la pression de l'entourage ou à la stigmatisation…

Incidence of HIV-infection in the ANRS Prevenir study in Paris region with daily or on-demand PrEP with TDF/FTC - J.-M. Molina, J. Ghosn, L. Béniguel, D. Rojas-Castro, M. Algarte- Genin, G. Pialoux, C. Delaugerre, Y. Yazdanpanah, C. Katlama, C. Ségouin, S. Morel, C. Pintado, B. Loze, S. Le Mestre, S. Gibowski, V. Doré, L. Assoumou, B. Spire, D. Costagliola, Prevenir ANRS study group - France
Incidence de l'infection par le VIH dans l'étude ANRS "PREVENIR" : PrEP continue ou à la demande par TDF/FTC en région parisienne

L'étude PREVENIR avait pour objectif de compléter les données d'Ipergay pour disposer de données long terme et de "vraie vie" (sans "l'artefact" du bras placébo).
Le recrutement a débuté en mai 2017 et 3000 personnes ont été incluses dans cette étude ouverte non comparative. L'objectif chiffré est de mettre en évidence une diminution de 15% de l'incidence du VIH parmi les HSH de la région parisienne en 2020.
Sur les 1 628 patients analysables en juillet 2018, la moitié a choisi la PrEP à la demande (il s'agit à 98% d'HSH), en sachant que dans l'étude les patients peuvent passer de la PrEP continue à la PrEP sur demande selon leurs souhaits. Plus de 95% des patients rapportent une utilisation correcte de la PrEP. L'incidence du VIH est nulle, que ce soit en PrEP continue ou en discontinue ; comparé au bras placebo d'IPERGAY, on peut estimer que le nombre d'infections évitées à ce jour est de 85. Il n'y a pas d'hépatites B, mais une dizaine d'hépatite C. Les données concernant les IST bactériennes ne sont pas encore disponibles. La tolérance est globalement bonne et il n'y a pas d'arrêts liés à des effets secondaires de la PrEP.
Cette étude vient conforter les données d'IPERGAY, de PROUD et des éléments rapportés par les australiens : la PrEP est très efficace chez les HSH quand on la prend, y compris en cas d'IST associées !


Jeudi 26 juillet 2018

Session plénière

Understanding the intersecting syndemics of communicable and non-communicable diseases E.Hyle, Harvard University, United States
Comprendre les interactions syndémiques entre maladies transmissibles et non-transmissibles

Le VIH est en lui-même un problème de santé majeur. Quand on y associe la tuberculose, ce qui est d'une fréquence extrême dans les pays d'Afrique subsaharienne, on se retrouve avec une "synergie" de problèmes, mais si on y rajoute le diabète, l'insécurité alimentaire et l'instabilité économique, on ne sait plus trop où donner de la tête en terme d'interventions cohérentes de santé publique… Il existe un cadre "syndémique", défini par l'interaction entre les déterminants de santé et un environnement social défavorisé, qui interagissent de façon synergique (NDR : si vous souhaitez vraiment comprendre le concept, car le concept est difficile à expliquer en une phrase (!), lire cela : Singer et al. Lancet 2017). Cette approche permet d'intégrer les déterminants sociaux au sein des déterminants de santé aboutissant à une multimorbidité, en incluant une approche sociale, comportementale et biologique.
De nombreux défis restent à relever dans le domaine de la lutte contre le VIH, et considérer qu'aujourd'hui 940 000 morts et 1,8 millions de nouvelles infections annuelles est un succès peut paraître péremptoire… Certes la couverture antirétrovirale atteint 60% des personnes VIH+ dans le monde (contre +/- zéro en 2000), mais le contrôle virologique, dernière marche de la cascade des 90/90/90 n'est atteint que dans moins de 50% des cas. La différence d'espérance de vie entre personnes VIH+ et VIH- a fondu en Afrique du Sud au cours des dernières années, mais reste de -1,2 années pour les hommes et 5,3 ans pour les femmes. Les personnes infectées par le VIH ont beaucoup de comorbidités, (Wong et al. CID 2018) et ceci augmente au fil des années, en parallèle au vieillissement de la cohorte des personnes séropositives. Dans le domaine de la tuberculose ou des hépatites, les indicateurs ne sont pas au vert, avec au mieux une stabilité des décès (TB) et au pire une franche augmentation (hépatites) au cours des dernières années. Mais les causes principales de mortalité à travers le monde restent les accidents cardiaques ischémiques et les AVC (16 millions de mort/an à eux deux en 2016), BPCO et maladies respiratoires suivent (6 millions à elle deux) etc… La première maladie infectieuse sur le podium de la mortalité arrive largement en arrière (TB avec 1,8 millions de décès en 2016). En dehors des pays à très faibles revenus, où infections respiratoires et diarrhées occupent les premières places,  accidents cardiaques et cérébraux restent les premières causes de décès dès que le niveau de vie augmente un peu. Le tabac et la pollution sont des causes majeures de mortalité, avec un impact également majeur sur l'espérance de vie des séropositifs. Les cancers progressent rapidement, le diabète progresse de façon encore plus rapide et sa cascade de prise en charge n'est pas reluisant; et si l'on connaît bien la "cascade" de prise en charge du VIH dans la plupart des pays du monde, celles du diabète, de l'hypertension ou des maladies mentales sont bien moins connues en dehors des pays à haut niveau de revenus. Le diagnostic des comorbidités est souvent mal fait : au Malawi, la moitié des personnes suivies pour leur VIH n'ont jamais eu aucune prise tensionnelle, alors que la maladie est fortement prévalente dans la région. Aux USA, dans une étude publiée en 2012, seulement 6% des personnes ayant une maladie mentale sont pris en charge et stabilisés pour celle-ci (Pence et al. 2012).
Outre les diagnostics qui sont peu réalisés pour les comorbidités, il faut également qu'une fois diagnostiquées, les maladies puissent être traitées… or les traitements aussi simples et peu chers que ceux de l'hypertension sont inabordables en monothérapie pour 17% des foyers des pays à ressources limitées (Attei et al. Lancet 2017)… et s'il est nécessaire d'envisager une tri ou quadrithérapie des problèmes cardiovasculaires, l'inaccessibilité atteint 80% de la population.
En pratique, un exemple d'approche syndémique peut être celui des "cash transfers" qui proposent une rémunération du patient afin d'améliorer ces déterminants de santé. En jouant sur le facteur économique, on va agir non seulement sur le VIH, mais également sur les comorbidités.
En conclusion, le VIH n'est qu'un problème de santé parmi d'autres problèmes qu'ils soient de santé ou socio-économiques. L'approche syndémique permet d'agir sur des déterminants globaux, avec l'espoir d'un impact sur la santé globale.

Global health and the HIV response - P.Piot, London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM), United Kingdom
Santé globale et réponse à l'épidémie de VIH

La réalité d'aujourd'hui est que l'on est loin d'avoir contenu l'épidémie de VIH : l'épidémie est hors de contrôle en Asie centrale et Europe de l'Est. Le phénomène de micro-épidémie est très marqué : en parallèle à un remarquable déclin de l'incidence à San Francisco, on retrouve de l'autre côté de la baie, dans le comté d'Alameda, une incidence qui augmente notablement, essentiellement chez les afro-américains, deux populations qui se côtoient à quelques kilomètres mais dont les déterminants épidémiques sont complétement différents. L'une des difficultés que nous allons rencontrer dans la maitrise de l'épidémie est que la dernière fraction de population non dépistée et/ou non traitée et souvent la plus éloignée du soin et qu'elle constituera toujours un possible moteur épidémique de base : il faut bien avoir à l'esprit que le 90/90/90 est en fait un 90/80/73, 90% sous traitement des 90% dépistés ne représentent que 80% de la population VIH globale, et que 90% des 80% sous traitement avec une CV indétectable ne représente in fine que 73% du nombre total de personnes VIH+. Hors 27% de la population VIH+ avec une charge virale détectable suffit à entretenir le moteur épidémique. Finalement, le défi sera de toucher les "10/10/10" qui restent à la marge du système et qui vont être le moteur épidémique de demain.
Par ailleurs, l'évolution démographique dans les zones à forte prévalence fait que des millions de personnes supplémentaires vont être à risque (donc une forte augmentation de la population à cibler pour les campagnes de prévention) et à traiter une fois infectées. Un essai au Zimbabwe montre qu'il faut aller très loin dans la communauté (Ferrand et al. Lancet 2017) pour améliorer les taux de CV indétectable chez les ados, et malgré cela on reste en dessous de 50% de CV indétectables chez ceux qui participent activement au programme communautaire (contre à peine 30% chez ceux qui n'ont pas de programme de support.
Si la pandémie rebondie, l'impact sera majeur sur l'ensemble des systèmes de santé : il ne faut pas oublier que c'est le VIH qui est à l'origine d'un certain nombre de progrès et d'ouverture dans le domaine de l'accès aux soins ; un échec dans ce domaine pourrait avoir des conséquences dramatiques. Les expériences avec le paludisme ont montré qu'une diminution des financements et des efforts dans certaines régions ont entrainé un rebond épidémique difficile à maitriser par la suite.
Le 5ème message est qu'il est nécessaire de faire des efforts importants sur la prévention, alors que le pourcentage de fonds alloués à la prévention est minime et à tendance à diminuer avec le temps, alors que nous disposons maintenant d'outils extrêmement précis permettant de cibler des micro-épidémies et d'adapter au mieux les interventions, permettant de concentrer les moyens. Malgré tout, il apparaît assez clair aujourd'hui qu'un vaccin est essentiel si on veut arriver un jour à "éliminer" le VIH et les nouvelles de ce côté ne sont finalement pas si mauvaises, on y arrivera !
En 6ème, il ne faut pas négliger les comorbidités, notamment dans le domaine de la tuberculose ou des addictions. Les programmes de substitution et de prise en charge du VIH doivent être conjoints en Europe de l'Est, de même pour la planification familiale en Afrique sub-saharienne (NDR : il me semble que Peter Piot a spécifiquement glissé cette phrase à l'attention des gouvernants américains, qui viennent de rétablir en 2017 la "global gag rule" ou "Mexico City policy", qui interdit tout financement américain à des ONG ayant dans leur programme une information ou des actions favorables à l'avortement, textes qui ont privé de financement de plusieurs dizaines de millions de $ des ONG de planification familiale ou de lutte contre le VIH, voir la tribune du Planning Familial et International Planned Parenthood Federation). Il est évident qu'il faut intégrer les programmes de lutte contre le diabète et l'hypertension qui sont les grands oubliés des programmes…
En 7ème et dernier, il est nécessaire que les programmes soient centrés sur les besoins des personnes et non ceux des systèmes, et d'aller vers des programmes d'éducation précoce : dire aux hommes " ce n'est pas bien de battre votre femme" n'est pas (assez) efficace, il faut pouvoir intervenir précocement pour éviter que cela n'arrive et cela passe essentiellement par l'éducation. Enfin, la discrimination, notamment sur l'orientation sexuelle, reste une difficulté essentielle et l'impression globale est que cela ne va pas en s'améliorant (lire l'article de Larry Kramer dans le New York Times du 11 juillet).

Making the treatment cascade work in vulnerable and key populations - D.Malebranche, Morehouse School of Medicine, United States
Mettre en oeuvre une cascade de soins et de traitement efficace auprès des populations clés et vulnérables

(NDR : L'intervention du Dr Malebranche était très énergique et militante… et donc très difficile à retranscrire…).
La particularité du Dr Malebranche est d'être américain, métis Ukrainien et noir, homosexuel et VIH+, activiste  et s'intéressant particulièrement à la question de la vulnérabilité des HSH noirs américains.
Les HSH noirs américains ont une probabilité de 50% d'être infectés par le VIH au cours de leur vie, bien plus que les HSH d'autres origines (figure). Alors que 16 communautés d'Ouganda et du Kenya sont en voie d'atteindre le 90/90/00, la cascade est catastrophique chez les HSH noirs américains (le dernier 90 était… à 16% en 2014).
Le cercle vicieux stigma/discrimination/silence/ignorance/peur est à l'œuvre, la criminalisation du VIH, particulièrement présente dans le sud-est des USA, est un obstacle supplémentaire à la prévention et la prise en charge et 13 états américains criminalisent encore l'homosexualité. La suprématie blanche a fait des dégâts immenses au cours des derniers siècles, qu'il est difficile de mettre en évidence car finalement peu étudiés… L'accueil dans les centres de prise en charge devrait être mieux étudié, et peut être avons-nous trop peur de nous regarder dans le miroir et de ce que nous trouverions pour que ce soit vraiment scruté, et nous préférons aller dans les hôtels confortables des conférences internationales à boire du bon vin (sic).
Les études américaines montrent que les noirs sont moins observant, plus souvent perdus de vue, plus méfiants vis-à-vis du système… On a tendance à considérer ces populations comme "difficile à atteindre" ou comme "éloignées du soins", et à essayer de caractériser et d'étudier la population concernée… Mais si dans un restaurant 3 ***, 100 clients venaient le premier jour et seulement 40 un mois après, se poserait t-on la question de ce qui ne va pas chez les clients ? ou se demanderait-on si le repas était mauvais, le service exemplaire, la publicité correctement faite, le menu adapté au goût des clients ?
Les programmes communautaires doivent être à la base de la réponse pour améliorer prévention et soins chez les HSH noirs américains : c'est en grande partie l'inadaptation du système qui fait que les résultats sont si mauvais, bien plus mauvais qu'au Kenya où la communauté est autrement engagée. Les populations "difficiles à toucher" ne le sont que parce que les systèmes ne sont pas conçus pour les toucher. Dans une conclusion très émouvante, D. Malebranche a envoyé un message d'amour et de tolérance, d'empowerment et de lutte pour les homosexuels noirs américains.

Leaving no one behind: a call to action - Y.Panfilova, Teenergizer, Ukraine
Ne laisser personne en arrière : un appel à agir !

Créatrice de Teenergizer à l'âge de 16 ans, un mouvement d'adolescents séropositifs, Yana Panfilova, 20 ans aujourd'hui, infectée à la naissance, a présenté les témoignages d'adolescents et de jeunes concernés par le VIH. Intervention difficile à résumer, mais que d'énergie (et d'humour) !
Une petite vidéo vaut mieux qu'un long rapport…

NDR, pour terminer cette plénière : les liens entre l'IAS et les activistes paraissent un peu tendus actuellement. Il apparaît que pour des raisons de "sécurité" les manifestations des activistes dans l'enceinte du congrès soient interdites, elles se cantonnent au village global (où elles sont finalement un peu à distance du congrès, surtout que cette année la géographie des lieux fait que les salles de conférence et le village des activistes et de la société civile sont largement séparés) et surtout à distance de la zone commerciale où elles gênent peu l'industrie, souvent visée…
Peter Reiss, le Co-Chair de cette conférence s'est retrouvé dans une situation un peu ridicule : l'IAS a voulu créer une manifestation symbolique (et assez QQ à vrai dire), une sorte de flamme olympique du VIH, passant de main en main des personnes concernées (chercheurs, patients...) et se terminant tout aussi symboliquement dans les mains de Timothy Brown "le-seul-homme-du-monde-qui-a-guéri-du-VIH… Mais cela s'est transformé en un scénario pas drôle du tout et en foire d'empoigne quand les activistes l'ont intercepté (tout cela retransmis en vidéo dans la salle centrale du congrès) au sujet de la localisation de la prochaine conférence qui fait polémique (à San Francisco, où ne pourront pas obtenir de visa touriste les travailleurs du sexe et les usagers de drogues pour venir assister à la conférence, au son de "No AIDS Conference in Trump's America"… suite au prochain épisode !)

 

Session "Migrants" : La dignité n'a pas de nationalité : VIH et droits des migrants

Criminal justice involvement as a social determinant of sexual risk among male migrant and non-migrant market vendors in Kazakhstan: Implications for HIV prevention and human rights - P. Marotta, A. Terlikbayeva, S. Primbetova, A. Mandavia, T. Hunt, L. Gilbert, L. Beletsky, G. Mergenova, E. Wu, N. El-Bassel - United States
Implication dans le système judiciaire comme déterminant social de prose de risques sexuels chez les vendeurs migrant et non migrants du marché de Barakholka

Le Kazakhstan est  le plus grand pays d'Asie centrale et une plaque tournante du point de vue commercial. Il y a plus de 3,5 millions de migrants et 1,5 millions environ qui n'ont pas de papiers. La majorité des migrants vient des pays d'Asie centrale frontaliers (Tadjikistan etc…). Les migrants subissent les questions de la police migratoire, de la police des marchés, avec un haut risque de déportation s'ils sont en situation illégale, et on connaît peu l'influence de ces contraintes légales sur les politiques de prévention. L'hypothèse de l'étude et que ces pressions sont responsables de difficultés sanitaire. La Silk Road Health Study a inclus 1.300 hommes dont 562 non-migrants, 780 migrants externes et 278 migrants internes du marché de Barakholka (15.500 échoppes, 30.000 "employés"), qui corrèle marqueurs de santé sexuelle sur le marché central de la capitale à des intervalles réguliers pendant un an et "contacts avec la police du marché, la police migratoire, le fait d'avoir subi arrestation ou incarcération.
Les migrants qui ont été questionnés par la police des migrations, la police du marché, ou soumis à des incarcérations sont beaucoup plus à risque de s'engager dans des relations sexuelles sans préservatif, d'avoir des relations sexuelles sous l'influence de drogues. Les paramètres influençant la prise de risque des migrants internes est un peu différent de ceux des migrants externes, mais la tendance est identique dans les deux groupes. C'est l'incarcération qui a le plus d'influence négative, suivie de l'arrestation.

Harms of workplace inspections for im/migrant sex workers in indoor establishments: Enhanced barriers to health access in a Canadian setting- B. McBride, K. Shannon, P. Duff, M. Braschel, S.M. Goldenberg, AESHA Study Team - Canada
Les dégâts causés par les inspections des établissements accueillant des travailleurs du sexe au Canada : majoration des barrière à l'accès à la santé

Les travailleurs du sexe migrants sont doublement à risque de se retrouver dans des situations de discrimination ou victimes de trafics ou de ciblages policiers. Au Canada, les canadiens peuvent se livrer au travail du sexe (comme en France, seul le client est pénalisé) mais pas les migrants qu'ils aient ou non un permis de travail (c'est la seule activité spécifiquement interdite pour les étrangers détenteurs de permis).
La police canadienne a mené beaucoup de "raids" sur les salons de massage, et utilise notamment la présence de préservatifs comme une preuve de l'activité de travail sexuel. AESHA  (An Evaluation of Sex Workers Health Access) est un projet mené en 2014-2017 au moment du changement de loi canadienne (apparition de la pénalisation du travail du sexe chez les migrants), centré sur l'influence des descentes de police dans les salons de massage.
Pendant les 30 mois de l'étude, 24% des 400 personnes interrogées (28% de migrants) ont subi un descente de police, 52% s'inquiètent d'éventuelles descentes de police (avec une très forte proportion de migrants dans ce groupe), 10% pensent pouvoir être arrêtées du fait de la possession de préservatifs.
En pratique ceux qui s'inquiètent de la police ont 50% de plus de risque de ne pas contacter les systèmes de santé, et la crainte des descentes de police est associée à un refus des propositions de prévention de la part d'associations, notamment celles qui sont centrées sur l'utilisation du préservatif.
Les recommandations des auteurs de l'étude sont d'arrêter les descentes de police dans les établissements de travail sexuels qui sont sûrs pour les travailleurs du sexe, mettre en place un cadre qui permettent de soutenir les droits et la santé des travailleurs du sexe et de bien distinguer travail du sexe et trafic d'êtres humains.

The influence of immigration law concerns on drug use and HIV risk - B. Suro Maldonado, C. Galletly, J. Lechuga - United States
L'influence des lois sur les migrations sur l'utilisation de drogues et sur le risque d'infection par le VIH

Il y a 57,5 millions de migrants latinos aux USA (17,6% de la population) et 43,7 millions de migrants (50% latinos), dont les déterminants de santé sont moins bons que ceux de la population générale ; dans le domaine du VIH, les latinos sont la seconde population en termes d'incidence et sont trois fois plus à risque d'avoir un diagnostic tardif. Il y a peu d'études s'intéressant à l'impact des changements de lois sur la santé des migrants. Les migrants s'inquiètent du fait que fréquenter les structures sanitaires d'Etat puisse être néfaste à leur statut sur le territoire, que leurs données individuelles de santé puissent être utilisées contre eux. Cette étude s'intéresse à l'influence des lois sur la migration sur l'accès aux structures de soins et à l'utilisation du dépistage du VIH dans deux états américains, la  Caroline du Nord et la Virginie (qui a des lois plus restrictives en matière de migration).
Les 350 sujets étudiés étaient majoritairement des femmes (260), interrogées via un système informatisé afin de protéger leur confidentialité. Il ressort de ces études que les craintes des migrants et leur défiance vis-à-vis du système sont une barrière à l'accès aux soins et au dépistage du VIH. Le fait de d'utiliser les services sanitaires leur fait craindre leur éligibilité à un statut légal, plus ils craignent d'être désignés comme une charge pour l'état, plus ils craignent pour leur statut et leur résidence et moins ils fréquentent les services sanitaires et se testent pour le VIH.

Ensuring access to primary care for undocumented migrants in England - Y. Azad, C. Hicks, K. Smithson, D. Gold - United Kingdom
Assurer l'accès des migrants sans papiers aux soins primaires en Angleterre

Près de 60% des personnes diagnostiquées avec le VIH au Royaume -Uni sont des migrants, avec une proportion qui bouge peu, mais les nationalités d'origine des migrants se sont modifiées au cours du temps. Une part importante des migrants a acquis le VIH après la migration (NDR: les résultats sont concordants avec ceux de l'étude France-ilienne PARCOURS), notamment chez les HSH. Le NHS, système national de santé du Royaume Uni est axé sur la médecine générale et gratuit pour les soins primaires ; la plupart des services secondaires (hospitalisation) sont payant pour les migrants, en dehors des urgences et des maladies infectieuses. Le gouvernement essaie de changer le système régulièrement depuis plus de 10 ans pour en rendre l'accès plus restrictif et veut notamment rendre le système de soins primaires payants; les tentatives de lois sont en général parallèles à des tentatives de criminalisation de la migration. Le National AIDS Trust (NAT) et la société civile s'opposent régulièrement à ces tentatives, avec succès pour l'instant. La derrière tentative du gouvernement a été de proposer que les consultations soient gratuites mais que les traitements soient payants, ce qui ne paraissait pas très logique. Le NAT s'est appuyé sur les syndicats et associations de médecins, sur les statistiques de médecins du Monde et a créé un document de plaidoyer, diffusé dans la presse et aux media. Ceci a été finalement un succès, le gouvernement renonçant à rendre payant les soins primaires. Ce qui semble avoir été le plus important dans la discussion sont les données disponibles à partir du système de surveillance épidémiologique (qui est financé par l'état !) : les migrants arrivent tard aux soins, il n'y a pas de "tourisme sanitaire", la vaste majorité des diagnostics de VIH sont réalisés en soins primaires. L'ensemble de ces arguments de santé publique plaident plus pour une facilitation de l'accès au système de soins primaire que le contraire.
Cette étude de cas montre l'importance de la société civile dans la défense des droits des migrants, et l'importance de se baser sur des données scientifiques pour faire plier les gouvernements…

Migrant's perspective on TB and HIV in relation to healthcare services: A qualitative study in Stockholm, Sweden - V. Tirado, J. Shedrawy, S. Strömdahl, C. Hanson, K. Lönnorth, A.M. Ekström - Sweden
Les services sanitaires concernant la tuberculose et le VIH vus par les migrants : une étude qualitative menée à Stockholm

La Suède est un petit pays de 10 millions d'habitants dont 18,5% de migrants, 3 millions  de personnes ont un parent né à l'étranger. Le pic de demande d'asile s'est situé en 2015 avec 163.000 demandes. (28.900 en 2016…) ce pic correspond à une population très jeune (40% < 18 ans, dont 20% non accompagnés)
La prévalence du VIH en Suède est extrêmement faible (<0,001%), et 80% des infections diagnostiquées ont été acquises avant l'arrivée en Suède.
Le système de santé propose à tous les migrants une prise en charge gratuite d'un screening de santé centré sur le VIH et la tuberculose, mais son accès est faible (39% des migrants le réalise). La tuberculose, le VIH et les troubles mentaux ne sont pas des causes suffisantes d'accès à un statut de résident NDR : il n'y a pas l'équivalent français du "séjour pour soins"), et la moitié de ceux qui sont déboutés du droits d'asile passent à la clandestinité. Ils vivent le plus souvent dans des logements surpeuplés avec encore une forte stigmatisation du VIH de la part de leur propre communauté, qui gênent l'accès au traitement et à la bonne observance.
Les usagers migrants ont été interrogés sur le système : les aspects positifs qu'ils en dégagent sont une bonne opportunité de diagnostic précoce, d'accès au traitement une façon de s'acclimater au système santé suédois, le fait qu'il faille le rendre obligatoire ou facultatif divise. Les écueils/marges d'amélioration : L'accueil par le personnel soignant est jugé bon et il y a un certain nombre de challenges : absence d'autres sujets que la tuberculose et les IST, beaucoup de migrants pensant qu'il s'agit d'un check-up plus complet, difficulté à trouver les lieux, lenteurs de l'acheminement de la proposition d'examens (parfois plusieurs mois après l'arrivée), absence de prise en compte des aspects dentaires et psychiatrique (tableau). Le fait de manquer le screening est handicapant pour les migrants car le système suédois est extrêmement digitalisé et très peu adapté à des personnes qui ne parlent pas le suédois ou l'anglais. Le Screening TB et VIH est spécifiquement conçu avec outils en langue d'origine et interprètes, mais le reste du système n'est pas du tout "migrants-friendly" !
Il est étonnant de voir à quel point les valeurs de la société suédoise sont éloignées de celle des migrants qu'ils accueillent (on peut voir dans la carte ci-dessous comme ces valeurs ont évolué au cours des dernières années opposant d'un côté valeurs rationelles et séculaires aux valeurs traditionnelles en ordonnées et les valeurs de survie aux valeurs d'expresion de soi de l'autre... les suédois sont tout en haut à droite ! ) , ce qui doit questionner le système de santé suédois dans la meilleure façon d'accueillir les migrants et peut expliquer le très faible recours aux soins proposés.

Session de communications orales libres : le VIH et le foie

Effectiveness of hepatitis A virus (HAV) vaccination among people living with HIV during an hepatitis A outbreak in Taiwan, 2015-2017 - K.-Y. Lin, H.-Y. Sun, S.-M. Hsieh, H.-Y. Cheng, Y.-C. Lo, W.-H. Sheng, Y.-C. Chuang, A. Cheng, S.-C. Pan, G.-J. Chen, C.-T. Fang, C.-C. Hung, S.-C. Chang  - Taiwan, China
Efficacité du vaccin contre l'hépatite A chez les personnes VIH+ lors de l'épidémie 2015-2017 de Taïwan

Au cours des années 2015-2017, il y a eu 1.475 cas d'hépatite A à Taïwan, la moitié survenant chez des HSH et 60% chez des patients VIH+. Une campagne de vaccination a débuté auprès des sujets VIH+ à partir de 2015, qui s'est montré très efficace, tous les patients VIH+ n'ayant pas d'Ac. VHA se voyaient proposer la vaccination (Lin et al. Hepatology 2018).
Une étude cas-contrôle a été menée pour comparer les patients qui acquièrent une hépatite A à ceux qui ne l'acquièrent pas ; 1.303 patients ont été vaccinés et 167 n'ont pas reçu le vaccin. Il y a eu 55 cas d'hépatite A et 220 contrôles : 100% des cas étaient des HSH, 54% avaient eu une syphilis dans les 6 mois précédant, et 92,7% n'avaient pas été vaccinés et les 7,3% restant n'avait reçu aucun injection, montrant la très haute efficacité de la 1ère dose (96,1%) avec la 1ère dose et 97,8% avec deux doses. Les projections épidémiologiques en population générale montre que 7.410 cas auraient été observés et non les 1 303 dénombrés s'il n'y avait pas eu de campagne de vaccination.

Less severe but prolonged course of acute hepatitis A in HIV-positive patients than HIV-negative patients during an outbreak: A multicenter observational study  - Y.-L. Li, C.-E. Liu, C.-C. Hung, P.-L. Lu, N.-Y. Chen, Taiwan HIV Study Group - Taiwan, China
Hépatite moins sévère mais prolongée chez les patients VIH+ pendant l'épidémie de Taïwan : étude multicentrique observationnelle

L'objectif de l'étude était de comparer les manifestations de l'hépatite A chez les patients VIH+ et VIH- au cours de l'épidémie Taiwanaise. Une première étude rétrospective publiée en 2002 au Japon (Ida et al. CID 2002), avec des données donc assez anciennes, avait montré que le niveau de transaminases était plus faible chez les personnes VIH+ mais que la virémie était plus durable. Une étude a donc été menée auprès de 14 hôpitaux de Taiwan, avec 166 VIH+ et 99 VIH- ayant fait une hépatite A aiguë pendant l'épidémie : 100% des VIH+ étaient des hommes et essentiellement HSH, mais la proportion d'hommes est également très élevée chez les VIH- (> 85%). Il n'y avait pas de différence en termes de symptômes, les patients VIH+ avaient seulement  plus d'hépatosplénomégalie, le pic d'ALAT/ASAT est plus faible chez les VIH+, la durée de l'hépatite est plus longue, il y a moins d'anomalies de la coagulation. Les résultats sont donc très comparables à l'étude japonaise de 2002. Les patients qui ont une CV < 1000 ont des transas plus faibles que ceux qui ont un meilleur contrôle viral. Un traitement ARV efficace entraine une durée d'hépatite plus faible. L'une des faiblesse de l'étude est de ne pas disposer de donner de portage post hépatite, ce qui ne permet pas bien de conclure sur le rôle des ARV dans la limitation de l'épidémie.

Shared HCV transmission networks among HIV-1 positive and HIV-1 negative men having sex with men in Paris - T. Nguyen, C. Delaugerre, M.-A. Valatin, E. Netzer, P.-M. Girard, N. Day, G. Kreplak, G. Pialoux, J.-M. Molina, V. Calvez, A.-G. Marcelin, E. Todesco  - France
Réseau de transmission du VHC parmi les HSH séropositifs ou séronégatifs pour le VIH

L'incidence du VHC est actuellement de 4 à 11/1000 chez les HSH VIH+ et de l'ordre de 10 fois inférieure chez les HSH VIH- ce qui sous-entend de probables chaines de transmission spécifiques. Pour cette étude de séquençage haut débit, les données de 55 patients VIH+ et 13 VIH- (venant de l'étude Ipergay) ayant une infection VHC aiguë ont été analysées. Le taux de réinfection est beaucoup plus élevé chez les VIH+. Le séquençage haut débit a permis d'isoler des chaines de transmission spécifiques, de façon plus performante qu'avec du séquençage classique : 68% des patients appartiennent à un cluster, et les clusters sont partagés entre les populations VIH+ et VIH- dans au moins 50% des cas. Plusieurs chaines de transmission sont mises en évidence. Mais en pratique, le séquençage haut débit n'amène pas d'élément utile supplémentaire par rapport au séquençage classique (bien qu'étant plus compliqué à mettre en œuvre) pour éclairer des questions de santé publique, notamment autour de la prévention

Will hepatitis C transmission be eliminated by 2025 among HIV-positive men who have sex with men in Australia? - L. Salazar-Vizcaya, D.C. Boettiger, G.J. Dore, R. Gray, M. Law, A. Rauch, T. Lea, G. Matthews  - Switzerland
Est-ce que l'hépatite C sera éliminer chez les HSH australiens d'ici à 2025 ?

Comme l'Europe, l'Australie a vu s'installer une épidémie de VHC chez les HSH. Depuis 2016, les traitements d'action directe (DAA) sont disponibles avec un programme ambitieux d'élimination de l'hépatite C chez les patients VIH+ reposant en grande partie sur la capacité à dépister et traiter. La question est de savoir si l'Australie peut atteindre l'objectif de 80% de réduction d'incidence en 2025 proposé par l'OMS. Les deux vecteurs de transmission sont des pratiques traumatiques à haut risque et l'utilisation de drogues IV, que ce soit dans un champ sexuel ou non. Dans cette étude de simulation en santé, les trois scenarios testés sont une stabilité d'utilisation des DAA (65%), une diminution (20%) ou une augmentation (100% en 2025). Ces scénarios ont été testés en fonction des facteurs de risque. L'incidence pour 100 personnes années va de 0.3 à 1.5 en fonction de la capacité de traitement. En cas d'augmentation des prises de risque, un taux de couverture faible entrainerait une augmentation de l'incidence et de la prévalence, mais à couverture égale à aujourd'hui, la réduction d'incidence à -80% en 2015 pourrait être atteinte.

HIV infection is an independent risk factor for liver steatosis: A study in HIV mono-infected patients compared to uninfected paired controls and associated risk factors  - A. Pacheco, H. Perazzo, S. Cardoso, M.J. Fonseca, R. Griep, P. Lotufo, I. Bensenor, J. Mill, R. Moreira, R. Moreira, R. Friedman, M. Santini-Oliveira, V. Veloso, D. Chor, B. Grinsztejn - Brazil
L'infection VIH est un facteur indépendant de stéatose hépatique : étude cas contrôle au Brésil

De nombreuses études montrent une prévalence élevée de la stéatose hépatique chez les patients mono-infectés VIH+. Pour essayer de conforter ces données, deux cohortes brésiliennes ont été étudiées : ELSA-Brasil (15 105 patients VIH-) et HIV-ELSA (647 patients  VIH+ suivis à Rio). La stéatose était définie sur la Fatty Liver Index, un score biologique et clinique validé dans plusieurs populations (associant IMC, tour de taille, gGT et triglycérides (il se calcule sur Internet ICI).
Les deux cohortes ont  à la base un grand nombre de différences significatives : dans le groupe VIH-, plus de femmes, plus de noirs, des patients plus âgés, plus éduqués scolairement, plus gros, moins souvent diabétiques mais avec plus de syndromes métaboliques... La présence de la stéatose est de 35% selon le score utilisé, et de multiples facteurs sont indépendamment associés à la stéatose chez les patients VIH+: âge plus élevé, BMI plus élevé, diabète, dyslipidémie… (cf. tableau). L'OR est de 2.1 si l'on compare les VIH+ et VIH-.

 

 

 

Session de communications orales libres - Pre, péri et post grossesse

High frequency of unintended pregnancy and predictors of contraceptive choice among HIV- infected African women on life-long antiretroviral therapy (ART). The US-PEPFAR PROMOTE Cohort Study  - J. Aizire, N. Yende, T. Nematadzira, M.E. Nyati, S. Dadabhai, L. Chinula, C. Nakaye, M. Naidoo, M.G. Fowler, T. Taha, US-PEPFAR PROMOTE Cohort Study - United States
Fréquence élevée des grossesses non-désirées dans l'étude PROMOTE et facteurs prédictifs des choix de contraception

L'étude multipays PROMOTE est une cohorte long terme qui a inclus 1.986 femmes infectées par le VIH dans 8 sites du Malawi, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en Ouganda entre décembre 2016 et juin 2017 et concerne la santé maternelle et infantile. Lorsque l'on s'intéresse spécifiquement au désir de grossesse, il apparaît que la dernière grossesse de 50% de ces femmes n'était pas désirée, avec de fortes variations interpays. De plus, plus de 50% des femmes expriment le fait qu'elles ne souhaitaient pas avoir plus d'enfants qu'elles n'en avaient déjà…
Les méthodes de contraception utilisées sont également variables d'un pays à l'autre, mais les méthodes long termes (injectables, dispositifs intra-utérins) globalement sous-utilisées. Les femmes sans emploi sont moins susceptibles d'utiliser des dispositifs long terme (LARC), de même que les femmes sous traitement ARV et celles qui ont une CV > 1000 cop/mL.
On retrouve donc à la fois un taux élevé de grossesses non désirées et l'utilisation d'une méthode de contraception chez plus de 80% des femmes de la cohorte. Les méthodes long terme, plus efficaces,  sont peu utilisées (<20%), et chaque site à sa méthode de contraception privilégiée. Il apparaît donc important de pouvoir mieux étudier les meilleures méthodes de contraception à proposer, les données d'interactions notamment avec l'EFV qui pourrait minorer l'effet contraceptif des produits utilisés, ce qui va être réalisés dans la suite de l'étude.

Tenofovir alafenamide pharmacokinetics with and without cobicistat in pregnancy - J.D. Momper, B. Best, J. Wang, A. Stek, T.R. Cressey, S. Burchett, R. Kreitchmann, D.E. Shapiro, E. Smith, N. Chakhtoura, E.V. Capparelli, M. Mirochnick, IMPAACT P1026s Protocol Team  - United States
Pharmacocinétique du ténofovir alafénamide avec ou sans cobicistat pendant la grossesse.

Le cobicistat modifie considérablement  l'exposition au TAF, en augmentant les doses circulantes de ténofovir ; pendant la grossesse, le métabolisme est modifié, et l'association des deux facteurs n'a pas été investiguée. L'étude P026s est un essai de pharmacologie chez les femmes enceintes, avec plusieurs sous études en fonction des traitements reçus (l'étude est proposée à des femmes déjà sous le traitement en cours). Elles pouvaient être incluses dans le bras TAF de l'étude si elles en recevaient pendant la grossesse. De multiples analyses pharmacologiques étaient menées chez ses femmes. 31 femmes ont été incluses dans le bras TAF (25 mg) et 27 dans le bras TAF/cobi (10mg/125mg).
Les concentrations avec TAF seul ou TAF/cobi sont globalement superposables. En post-partum, les concentrations sont les plus élevées au pic, mais en pratique les dosages au 2nd trimestre sont discrètement en dessous de la moyenne habituellement constatées et les données du 3ème trimestre complétement superposables à cette moyenne de population générale de femmes non-enceintes. Avec le TAF 25 mg, l'exposition pendant la grossesse est significativement plus faible qu'en post-partum, mais lié à une augmentation des concentrations en post-partum et non une diminution pendant la grossesse ; pour TAF/cobi, on observe la même tendance, mais qui n'est pas statistiquement significatif.

Effect of pregnancy on raltegravir free concentrations - Y. Zheng, D. Hirt, S. Benaboud, J. Lechedanec, J.-M. Tréluyer, S. Delmas, E. Arezes, J. Warszawski, J. Ghosn, ANRS 160 RalFe Study Group - France
Effet de la grossesse sur les concentrations libres de raltegravir

Le raltegravir est une molécule intéressante pendant la grossesse car il n'y pas de signal négatif concernant son utilisation au cours du 1er trimestre alors que c'est la plus ancienne des anti-intégrases. Concernant la pharmacologie, on dispose pour l'instant de peu de données, allant tout de même dans le sens d'une absence de besoin d'adaptation des doses au 3ème trimestre. Le but de l'essai RALPH est d'étudier les concentrations des différentes formes de RLT circulantes chez 43 femmes déjà sous RLT pendant la grossesse, et ne recevant pas d'atazanavir, de fosamprenavir, d'efavirenz ou d'inhibiteurs de la pompe à protons, qui en majorent les concentrations. 18/43 femmes avaient déjà du RLT à la conception, et pour les autres il était introduit avant 20 SA.
Au cours du 3ème trimestre, l'absorption du RLT est plus lente qu'en post partum. Les variations individuelles sont importantes. La clearance d'élimination est augmentée de 16% pendant la grossesse. Pendant la grossesse les concentrations totales diminuent de 28% mais la fraction libre diminue moins, probablement du fait de la diminution des protéines circulantes. Pas de transmission dans cette étude où la plupart des femmes ont une CV indétectable et la médiane de CV des 5 femmes qui ont une CV détectable est de 42 cop/mL.
La conclusion globale est qu'il ne faut pas modifier les doses au 3ème trimestre. (NDR : Merci monsieur le nouveau président de la SFLS ;-)!

Lack of viral load testing in pregnancy is a barrier to breastfeeding among HIV-infected women in Botswana - G.K. Mayondi, R. Zash, S. Moyo, M. Diseko, J. Mabuta, G. Mogomotsi, E. Dintwa, J. Makhema, R. Falama, M. Mmalane, S. Lockman, M. Essex, R. Shapiro - Botswana
L'absnence de mesure de la charge virale est un obstacle à l'allaitement maternel chez les femmes VIH+ au Botswana

Le Botswana a mis en place l'allaitement maternel protégé assez tardivement, à partir de 2016, l'allaitement artificiel ayant été privilégié avant cette date.
Plus de 95% des femmes au Botswana accouchent dans une structure de soins. Entre septembre 2016 et décembre 2017, les dossiers d'obstétrique ont été étudiés  pour valider la méthode d'allaitement proposée par les sages-femmes. La recommandation pour les femmes VIH+ est de tester la CV tous les 3 mois jusqu'à l'indétectabilité puis tous les 6 mois, plus souvent chez les femmes enceintes (à chaque passage à la clinique de suivi anténatal).
Pour 29.962 accouchements, on dénombre 6.845 enfants nés vivant de femmes VIH+. A la sortie du site d'accouchement, 2.553 femmes (39%) allaitaient au sein, avec de fortes variations en fonction des centres d'accouchement. Pour les 4.500 dossiers où la variable CV est enregistrée (avec soit la variable présente, soit la notification quelle est manquante) seulement 9% des femmes avaient un résultat de CV pendant la grossesse, et 97% de celles-ci avaient une CV<400. Parmi les 270 femmes n'ayant pas reçu d'ARV pendant la grossesse et n'ayant aucune documentation de CV, 27% vont allaiter, et parmi les patientes ayant une CV détectable, 30% vont allaiter également.
En pratique, cela signifie que seulement 39% des femmes allaitent malgré les recommandations, et que celles qui allaitent n'ont pas les critères nécessaires pour savoir si cela est indiqué ou pas… Il est possible que cette absence de documentation de la charge virale soit un obstacle au suivi des recommandations d'allaitement maternel. L'accessibilité à la charge virale dans les centres de prise en charge anténataux semble être un obstacle important, et a été mis en objectif prioritaire pour les années à venir.

Safety and nevirapine concentrations of 6-week triple antiretroviral prophylaxis in high risk HIV- exposed infants - S. Anugulruengkitt, P. Suntarattiwong, P. Ounchanum, U. Srirompotong, W. Jantarabenjakul, J. Sophonphan, S. Punnahitanon, C. Pancharoen, K. Chokephaibulkit, T.R. Cressey, T. Puthanakit, on behalf of CIPHER_AEPEP Study Team - Thailand
Sécurité et concentrations de névirapine chez les enfants à haut risque de transmission et traités par trithérapie 6 semaines à la naissance

La Thaïlande recommande un traitement de 6 semaines associant AZT, 3TC et névirapine 4 mg/kg chez les enfants à haut risque d'infection, mais il existe peu de données de tolérance concernant ce schéma thérapeutique. Cette étude a été menée entre 2015 et 2017, 100 enfants à haut risque (trithérapie 6 semaines avec NVP)  ont été appariés à 100 enfants à faible risque (4 semaines de ZDV). Les enfants étaient suivis jusqu'au 4ème mois.
Les femmes du groupe haut risque (HR) étaient plus jeunes (23 versus 32 ans) que le groupe bas risque (BR). Concernant les enfants, on retrouve seulement un périmètre crânien un peu plus faible chez les enfants du groupe haut risque. Il n'y a pas de différence significative en terme de tolérance de l'AZT, seulement un peu plus d'anémie  de grade 2 dans le groupe haut risque (qui reçoit l'AZT deux semaines de plus que le groupe faible risque). Globalement, le taux d'anémie dans les deux groupes est assez élevé (68% dans le groupe HR et 66% dans le groupe BR), soit le double de ce qui avait été retrouvé il y a quelques années dans une étude canadienne (39%). Les données de concentration de NVP sont disponibles pour un échantillon de 50 enfants du groupe HR. Toutes les concentrations mesurées sont au-dessus de la valeur seuil, et il n'y a pas de corrélation entre effets secondaires et concentrations. Enfin, on ne retrouve pas de réactions allergiques ou d'hépatite immuno-allergique malgré la durée du traitement.

DolPHIN-1: Randomised controlled trial of dolutegravir (DTG)- versus efavirenz (EFV)-based therapy in mothers initiating antiretroviral treatment in late pregnancy - C. Orrell, K. Kintu, J.A. Coombs, A. Amara, L. Myer, J. Kaboggoza, B. Simmons, L. Else, C. Heiberg, C. Waitt, S. Walimbwa, E.M. Hodel, A. Hill, S. Khoo, M. Lamorde, DolPHIN-1 Study Group - United Kingdom
DolPHIN-1, essai randomisé dolutegravir versus efavirenz chez les femmes débutant un traitement tardivement pendant la grossesse

1,5 millions de femmes VIH+ débutent une grossesse chaque année dans le monde,  et en Afrique du Sud 1/5ème des femmes se présentent tardivement et débutent les ARV au 3ème trimestre.
DolPHIN1 est une étude utilisant le DTG, comparé à l'EFV  (avec TDF et 3TC/FTC) pour les femmes se présentant tardivement ; après l'accouchement les femmes étant mises sous EFV  dans les deux groupes. Pour être conforme aux recommandations de "Test and treat" particulièrement importante dans cette population, elles recevaient une trithérapie à base d'EFV en attendant la randomisation (entre 1 et 7 jours) puis étaient randomisées dans le bras DTG ou EFV : 60 femmes ont été incluses.
L'âge de gestation à la randomisation était de 31 semaines environ. Il s'agit avant tout d'une étude pharmacologique. Le pic est un peu plus faible au 3ème trimestre qu'en post partum, en sachant que les prélèvements postpartum ont été faits assez précocément, avant un retour à l'état physiologique. Toutes les femmes ont des concentrations plasmatiques  > 64µg/mL (seuil de concentration efficace minimal) mais certaines ont des concentrations < 325µg/mL  qui est un second seuil de concentration efficace proposé. Le wash-out dans le lait maternel est rapide, l'accumulation est conséquente dans le plasma de l'enfant et le wash-out y est beaucoup plus lent. Le DTG est plus efficace que l'EFV pour rendre la CV indétectable à la naissance (69 vs 38%, p=0.02). Globalement la tolérance est bonne et peu d'effet sont reliés au traitement, que ce soit dans le bras EFV ou DTG. Une seconde étude, DOLPHIN2 est en cours selon la même méthodologie afin d'augmenter la durée de suivi et le nombre d'observations (250 patientes randomisées entre 28SA et l'entrée en travail). Il n'est pas impossible que la présence d'EFV, qui a un effet d'induction enzymatique sur le DTG, explique le fait que les concentrations mesurées dans cette étude sont plutôt plus faibles que celles qui ont été observées dans les études antérieures.

NDR : je n'ai pas pu assister à la session spéciale "Dolutegravir et grossesse". Il en ressort que dans l'étude du Botswana ayant donné l'alerte, le nombre de cas n'a pas augmenté alors que le nombre d'observations de femmes sous DTG au moment de la conception augmente. Néanmoins, il existe toujours un sur-risque mesuré qui doit nous rendre prudent, surtout que nous disposons d'alternatives au Nord (les choses sont moins simples au Sud). Il n'est pas impossible que le signal observé soit lié au hasard, et que comme avec l'efavirenz, il disparaisse avec l'accumulation des données. Si c'est le cas peut-être que la France sera le seul pays du monde à recommander de ne pas utiliser le DTG au 1er trimestre alors que le reste du monde l'utilisera chez des millions de femmes, comme nous l'avons fait avec l'efavirenz ? COCORICO !
Mais pour ne pas vous priver, vous trouverez ci-dessous 4 des 5 très bons diaporamas présentés à cette session:

Overview on HIV treatment and pregnancy including genetics, drugs, and pregnancy - Lynne Mofenson, Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation, United States

Surveillance for Neural Tube Defects following Antiretroviral Exposure from Conception, the Tsepamo study (Botswana) - Rebecca Zash, Beth Israel Deaconess Medical Center, United States

Data from other cohorts, regions to guide decisions - Meg Doherty, World Health Organization, Switzerland

Weighing up the risks and benefits - Maggie Little, Georgetown University, United States

 

Vendredi 27 juillet

Session plénière

Understanding adolescent neurocognitive development in the context of HIV treatment, prevention and care - A.Goddings, University College London (UCL), United Kingdom
Comprendre le développement neurocognitif des adolescents dans le contexte du traitement du VIH, de la prévention et du soin.

(NDR : très intéressante mais difficile à présenter, la conclusion globale de cette présentation très fouillée sur le développement neurocognitif des adolescents est l'importance des influences sociales et celle des pairs-adolescents  Le cerveau des ados est parfaitement capable d'assimiler les risques en santé, dans un contexte d'apprentissage expérimental et d'environnement socio-émotionnel. L'éducation par les pairs est essentielle à ce stade et il faut apprendre aux ados le fonctionnement de leur cerveau ! Ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas la prendre qu'une jeune fille va oublier sa PrEP un jour sur 2, mais parce que l'environnement lui adresse des signaux contraires à la prise régulière. Il fait arriver à séparer la prise de décision des situations de stimulation, et  essayer de lier des objectifs de court et de long-terme (par exemple, pour le traitement ARV, le fait que la charge virale indétectable supprime la transmission), et enfin il faut arriver à diminuer la stigmatisation car elle a une influence particulièrement négative sur le cerveau adolescent.
Enfin, chaque ado est unique et toutes les études qui génèrent des moyennes ou de belles courbes cachent une immense variabilité individuelle qu'il faut également prendre en compte !
Présentation PPTx d'A. Goddings

Back to basics: Sex rights and education  - R.Buijs, Ministry of Foreign Affairs, Netherlands
Retour aux fondamentaux : droits sexuels et éducation

En Hollande, tous les élèves de primaires et de secondaires doivent aujourd'hui participer à une sensibilisation à la sexualité avec des programmes comme  "Long Live Love" et "Spring fever". L'éducation à la sexualité commence très tôt : les élèves de 7 ans sont interrogés sur "qui a été amoureux ici" et permet d'aborder les questions de relations agréables ou désagréables. Des sessions de soirées sont organisées par les lands régionaux pour que les parents puissent appréhender ce qui est dit et comment les écoles abordent la question. Mais toutes les écoles n'adoptent pas ces programmes, par embarras, manque de priorité sur le sujet ou prétextant une mixité culturelle difficile à gérer. La digitalisation de l'information a poussé l'état à développer des applications et un site Internet qui reçoit 2 millions de visites annuelles autour de la santé sexuelle des jeunes. Une enquête récente sur les relations sexuelles chez les jeunes hollandais de moins de 25 ans montre que l'âge des premiers rapports sexuels a reculé d'un an entre 2012 et 2017, avec 9 fois sur 10 une contraception et 7 fois sur 10 un préservatif ; le pourcentage de ceux qui ont leurs premières relations très jeunes (12-14 ans) est en déclin ; 90% des filles et 94 des garçons trouvent l'expérience sexuelle agréable.  Les données sur les gays sont moins reluisantes : 1 jeune gay sur 6 a été insulté, 1/10 battu pour son orientation sexuelle et 17% des hollandais ont encore des sentiments négatifs vis-à-vis des homosexuels.
Cinq lessons : 1/il y a un besoin urgent d'éducation sexuelle à l'échelle internationale. 2/nous devons nous engager dans des partenariats, pas seulement des financements. Les ambassades néerlandaises s'engagent dans cette voie en se reposant sur les sociétés civiles et les ONG  des pays.  3/nous devons poursuivre un dialogue ouvert autour des droits dans le domaine de la sexualité, adapté aux différentes populations, afin que des choix éclairés puissent émergés. 4/ tous les jeunes les plus concernés  (gays, transgenres, UID, travailleurs du sexe, vivant avec le VIH) doivent participer à l'élaboration des programmes puisque c'est d'eux qu'il s'agit; 5/ Il faut se concentrer sur les racines du mal… l'inégalité de genre est à la source d'une grande partie des maux, et on pourra toujours construire les plus beaux programmes d'éducation sexuelle, tant que l'inégalité de genre sera au premier plan dans le monde, on n'arrivera à rien.

Special presentation: MTV Shuga  - G.Arnold, MTV Staying Alive Foundation, United Kingdom; S.Sandows, MTV Shuga, South Africa; G.Stuurman, MTV Shuga, South Africa

MTV Shuga est un canal médiatique (TV et radio) diffusé par la chaine musicale MTV, et qui propose depuis 2009 des programmes de fiction adaptés aux pays d'audience en Afrique subsaharienne, avec en message de fond  la santé sexuelle et les droits autour de la sexualité. Disponible en anglais et en plusieurs langues locales, une extension pour la Côte d'Ivoire est bientôt prévue. La mesure de l'efficacité des programmes a été faite par la banque mondiale, montrant que les jeunes qui regardaient MTV Shuga dans l'Ouest du Nigeria avaient deux fois plus de chances d'avoir été testés pour le VIH dans les 6 derniers mois, et qu'il y avait une diminution de 55% des IST à Chlamydiae chez les jeunes femmes regardant MTV Shuga ! Raconter des histoires peut avoir une influence majeure sur les comportements…
Pour se faire une idée, le premier épisode de la saison 6, qui se passe au Nigeria...

 

Session symposium : les maladies non transmissibles, challenges pour les personnes vivant avec le VIH

Metabolic Issues  - J.Trevillyan, Alfred Health and Monash University, Australia
Enjeux métaboliques

L'infection par le VIH est associée à un doublement du risque cardiovasculaire dans la tranche 50-59 ans (Drozd et al. JAIDS 2017) et les causes en sont probablement multiples : prévalence plus élevée des facteurs de risques habituels (dont le tabac), inflammation chronique, dyslipidémie… L'obésité et le syndrome métabolique sont une cause classique, et 27% des PVVIH des pays à ressources faibles ou intermédiaires sont obèses (Patel el., AIDS 2018).
Le gain de poids chez les personnes VIH+ est en moyenne de 2,5 kg au cours de la première années de traitement, et associé à une diminution de la mortalité chez les personnes qui ne sont pas initialement en surpoids (Yuh et al. CID 2015), d'où l'hypothèse d'un "retour à  la normale". Mais une augmentation trop importante du poids entraine une augmentation du risque C/V et de diabète il existe une relation en "J" avec une diminution initiale des comorbidités quand on passe d'un poids trip faible à un poids normal puis une ré-augmentation nette avec l'excès de poids. Le type et la localisation de la graisse détermine son impact sur la santé. Chez les personnes VIH+, il pourrait y avoir des anomalies de la fonctionnalité de la graisse, en cours d'investigation. Des travaux français montrent qu'un switch vers le DTG chez des patients à poids stable entraine une augmentation qui peut aller jusqu'à 10% du poids de base. Les causes de gain de poids sont variées et ne sont pas uniquement liés à la qualité alimentaire. : l'âge, un manque d'éducation scolaire, le sexe féminin, le traitement ARV sont des facteurs mise en cause. Il existe un "signal" concernant les anti-intégrases, il semble d'agir d'un effet de classe mais plus prononcé avec le DTG (Menard et al. AIDS 2017).  Le gain de poids post-ART n'est pas un simple "retour à la normale" mais un phénomène bien plus complexe, qu'il faut garder à l'œil. Lorsque l'on étudie la prévalence du diabète chez les personnes VIH+, il n'apparaît pas globalement de sur-risque, mais certains "vieux" ARV sont spécifiquement associés au diabète : D4T, AZT, Indinavir, ritonavir et EFV. Mais les facteurs de risque sont par ailleurs globalement les mêmes chez les personnes VIH+ et dans la population générale. Dans une étude menée en Afrique subsaharienne, on ne retrouve pas d'impact du VIH sur la rétinopathie, mais par contre une influence néfaste sur la fonction rénale, plus altérée chez les diabétiques VIH+ que chez les diabétiques VIH-.
Présentation PPTx de J.Trevillyan

Non-AIDS Cancers  - J.Spano, Pitié-Salpétrière Hospital, France
Cancers non-Sida

L'évolution actuelle des cancers chez les patients VIH+ montre une diminution de l'incidence des cancers du poumon, une diminution ou une stabilité de la maladie de Hodgkin, une augmentation de l'incidence du cancer du foie et une (petite) tendance  à la diminution des cancers du canal anal. Néanmoins, les risques relatifs par rapport à la population générale restent élevés (En France dans la cohorte FHDH, x3 pour le poumon, x27 pour la maladie de Hodgkin…). Ce risque est très lié à l'immunodépression, et une correction de celle-ci via les antirétroviraux permet de diminuer le risque au fil du temps. Le Tabac a un rôle majeur, plus chez les patients VIH+ que chez les non-VIH, et les cancers viro-induits paraissent également beaucoup plus fréquents.
Les cancers surviennent-ils à des âges plus jeunes ?  Le VIH peut accélérer le processus de cancérogénèse, mais la population VIH étant plus jeune que la population générale, il est difficile de trancher dans ce domaine. Mais le vieillissement de la population VIH doit nous rendre prudent dans le dépistage des cancers liés à l'âge (colon, prostate…) (Yanik et al AIDS 2016).
La révolution dans le domaine du cancer vient des immunothérapies, mais la perturbation de la réponse immune chez les patients VIH+ nécessite d'être particulièrement attentif à la réponse et la tolérance. Les patients VIH+ étant souvent exclus des essais d'immunothérapie anti-cancéreux, il est important de développer des programmes spécifiques qui permettent à la fois aux patients d'accéder aux molécules comme la population non-VIH, mais aussi de mieux connaître les effets spécifiques au sein de cette population. (NDR : JP Spano a ensuite présenté l'organisation et le résultat de la RCP CancerVIH, voir diapos si besoin).
Présentation PPTx de JP Spano

Lung Diseases and Smoking  - K.Kunisaki, University of Minnesota, United States
Maladie pulmonaire et tabac

En préambule, il faut rappeler que les pneumopathies bactériennes restent un problème de santé publique chez les patients VIH+ malgré l'amélioration de la situation immune, avec un rôle direct possible des protéines du VIH dans le poumon. Les cancers ont été évoqués dans la présentation précédente et nous allons nous concentrer sur la BPCO. Dans la BPCO, l'atteinte entraine un collapsus, une inflammation et une fibrose de la bronche. Entre 1990 et 2010, la BPCO est passée de la 4ème à la 3ème cause de mortalité mondiale (Global Burden of Disease Study Lancet 2012), pendant que le VIH passait de la 35ème à la 6ème place. Une analyse globale de la littérature concernant BPCO et VIH a été réalisée tout récemment (Bigna et al. Lancet 2018) : une PVVIH sur 10 souffre de BPCO dans le monde, avec une prévalence plus élevée dans les pays à haut niveau de vie,  la plupart des études convergeant vers un effet intrinsèque de la maladie VIH (indépendamment du tabac) : l'étude des causes est en cours, on évoque le microbiome, les autres comorbidités, l'inflammation, et bien sur le tabac, mais 20% des BPCO surviennent chez des non-fumeurs. Une sous-étude de START (qui comparait traitement ARV immédiat versus traitement différé) n'a pas montré d'impact du traitement immédiat sur la prévalence de la BPCO. La pollution de l'air joue certainement un rôle, de même que la cuisine au charbon en intérieur qui est très courante dans le mode et expose plus femmes et enfants, le niveau de vie (Gershon et al. COPD 2012) peut jouer (par exemple on vie plus fréquemment en bordure d'autoroute si on est pauvre que si on est riche).
Que peut ont faire en terme de prévention ?  L'arrêt du tabac reste un pilier essentiel, la diminution de la pollution de l'air est basée sur la volonté politique ; la mise en place de "fours propres" en intérieur est également à l'essai dans un certain nombre de pays : jouer sur tous les facteurs de pollution de l'air est essentiel.
Présentation PPTx de K. Kunisaki

NCD in Resource-limited Countries  - G.Yonga, University of Nairobi, Kenya
Maladies non-transmissibles dans les pays à ressources limitées

Les maladies non-transmissibles (MNT) sont responsables de 41 millions de morts par an dans le monde, soit, 71% de la mortalité. Dans la plupart des pays africains, la part attribuable aux MNT augmente alors que la part attribuable aux infections diminue. Les PVVIH ont à la fois les risques traditionnels de MNT mais également un sur-risque lié à l'inflammation et à l'immunodépression, ainsi qu'à certaines thérapeutiques. Dans des études autopsiques, on détecte une MNT chez 40% des patients VIH+ alors qu'elles n'avaient pas été diagnostiquées en pré-mortem.
Quel est le spectre des maladies cardiovasculaires (MCV) ?  Certains patients ayant une MCV vont devenir VIH ; des patients VIH vont développer une MCV, des patients vont avoir les deux diagnostics en parallèle : l'ordre d'arrivée a-t-il de l'importance ? Finalement probablement pas, car le problème majeur est celui de l'intégration des soins, chaque pathologie relevant le plus souvent d'un circuit de prise en charge différent, le VIH étant le plus souvent encore plus que les autres dans un système à part. On pourrait se dire qu'il suffit de réintégrer le VIH dans le système sanitaire général, mais dans de nombreux pays à ressources limitées, il ne fonctionne que très mal, alors que le circuit VIH a fait preuve de son efficacité, avec ces interventions centrées sur les besoins des patients. Il faut donc thésauriser le modèle VIH pour faire progresser la prise en charge des patients souffrant de maladies cardiovasculaires et autres MNT. Les systèmes de santé africains fonctionnent beaucoup en silo indépendant (VIH, diabète, tuberculose, santé maternelle et infantile…) et il est important de développer des méthodes d'intégration : le projet CONTEXT au Malawi, Kenya, Afrique du Sud et Swaziland… est un programme d'intégration des soins autour des maladies non transmissibles et du VIH, qui débute et dont les priorités sont différentes en fonction de pays (cancer du col, diabète, MCV…). Les résultats seront à attendre plusieurs années. Il existe des modèles horizontaux (VIH et TB, VIH et diabète…), pan-Horizontaux (VIH et toutes les MNT), diagonaux (renforcement des financements globaux, des ressources humaines) et d'intégration totale, ce dernier paraissant le plus adapté aux besoins des populations (voir le numéro spécial de AIDS du 1er juillet 2018 consacré au sujet).
Présentation PPTx de G. Yonga

 

Et voilà, terminé pour le congrès mondial 2017... Maintenant, des vacances bien méritées, loin du clavier et des salles de conférence.

Des chroniques surprises avaient étaient promises en début d'année : ce sera le congrès santé sexuelle des australiens, qui ont beaucoup de choses à nous apprendre avec leur extraordinaire couverture vaccinale pour l'HPV et l'implantation ultra-rapide de la PrEP dans la communauté homosexuelle de Sydney... Rendez-vous en direct de l'hémisphère sud du 24 au 26 septembre, où l'on sera encore en plein hiver...

Dr Cédric Arvieux



 
     
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